Rencontre avec Gaya Topow et ses nourritures artistiques, en couverture de HOME Food N°5

Cuisinière et artiste plasticienne, Gaya Topow transforme l’alimentation en langage artistique. Ses gâteaux oniriques se sculptent à l’instinct, ses plats tradi se réinventent en couleurs et textures étonnantes. Une invitation pour les sens, à regarder, toucher, sentir, écouter et goûter. Car ici, le beau ne s’imagine pas sans le bon, avec le plaisir de plats qui régalent et se partagent.

Par Marie Mersier - Photographies : Hervé Goluza

Gaya, peux-tu nous raconter ton parcours ?
Je suis originaire de Lausanne en Suisse et j’ai étudié aux Beaux-Arts de Genève à la HEAD (Haute école d’art et de design). Naturellement, lors de mes études, j’ai commencé à expérimenter avec la nourriture comme médium artistique. C’est une matière qui se transforme à l’infini : il suffit de mélanger du beurre et de la farine pour qu’une forme se crée, ou une autre… Pour mon diplôme, j’ai donc imaginé ma première sculpture de gâteau. En parallèle, je travaillais dans des restaurants, au service. À mon arrivée à Paris, j’ai souhaité passer en cuisine. C’est grâce à Jean-Marc Sinceux, le chef du restaurant Le Desnoyez, que cette envie a pu se réaliser. Ensuite, j’ai côtoyé d’autres cuisines et co-créé à Aubervilliers un café culturel qui s’appelait Collective. Avec mes partenaires, nous sommes d’ailleurs en train de préparer un livre sur les recettes de ce lieu.

Entre l’art et la cuisine, comment se déploient tes divers projets ?
En tant que cheffe indépendante, mes projets s’inscrivent dans différents contextes. Je peux avoir des résidences dans des restaurants, cuisiner pour des dîners privés. Par ailleurs, je crée beaucoup de buffets-installations ou des sculptures comestibles pour des marques, événements, photos, etc. Ce qui m’intéresse, c’est à la fois la proposition créative, la scénographie, mais aussi bien sûr la qualité des produits et que cela soit bon. J’aime manger et que les gens aiment manger !

Il y a aussi ta newsletter Radio Frigo ?
Oui, cette newsletter accessible en version gratuite ou payante sur Substack est un rendez-vous hybride, dans la continuité de ma pratique qui allie art et nourriture. J’y partage des recettes de saison, des inspirations, mais aussi du contenu audio. Manger convie tous les sens. On peut lire une recette, la regarder, mais aussi l’écouter. Le rêve de ma vie serait d’avoir une chronique nocturne sur une vraie radio en direct, une sorte de « hotline du frigo », entre ligne de cœur et ligne de bouffe, où les gens pourraient m’appeler pour me raconter leurs expériences de cuisine ou me demander des idées de recettes.

Enfant, passais-tu beaucoup de temps en cuisine ?
Je ne peux pas dire que j’étais passionnée de cuisine lorsque j’étais enfant. En revanche, je me souviens de recettes de ma grand-mère maternelle, comme la vinaigrette qu’elle préparait à l’avance pour la conserver au frigo, ou son gratin de macaronis avec béchamel et parmesan, qui était incroyable. Je me souviens aussi que cela me fascinait de regarder mon grand-père manger, se tacher et se régaler. J’adore voir les gens se régaler, la notion de plaisir en cuisine est très importante pour moi.

Et ces dernières années, as-tu un souvenir marquant en cuisine ?
Oui, lors d’un buffet pour le bal Weston au sein de la Caserne de la Garde républicaine, avec la cheffe Chloé Charles. J’avais une énorme motte de beurre, il faisait 35 degrés, je lui ai demandé si je pouvais la sculpter. Elle a dit oui. J’ai donc eu 25 minutes pour sculpter une tête de cheval sur du beurre.Unsacrédéfiquidepuisestun peu devenu une sorte de signature.

Pourquoi as-tu choisi de partager ces trois recettes ?
Le restaurant Desnoyez dans lequel je travaillais servait un œuf mayonnaise de dingue. Comme un clin d’œil, j’avais envie de revisiter ce grand classique dans une version bicolore très visuelle et en pickles, car j’ai une passion pour le vinaigre et les assaisonnements qui changent tout. Je ne mange plus de viande depuis vingt ans et je trouve que les « grosses pièces » comme les pithiviers ou le Wellington sont réservées à ceux qui en consomment. J’aimais donc l’idée de proposer une version végétarienne avec cette tourte aux légumes et au comté. Quant au gâteau, disons que ces desserts me fascinent, surtout quand ils sont spectaculaires. Là, je me suis inspirée des gâteaux de mariage. J’avais à l’esprit une tête d’œuf, car j’adore représenter des visages, que cela soit à la fois poétique et un peu étrange. Souvent, je fais une esquisse, puis je travaille à l’instinct : la matière est organique, c‘est elle qui va guider la forme finale. Ensuite, la douceur du café d’orge, le praliné des graines de tournesol et un peu de sel équilibrent le côté sucré de la recette.

As-tu des bonnes adresses à recommander ?
Toute l’année, n’importe où, n’importe quand, j’adore les glaces. J’ai déjà traversé Paris pour en manger une. Donc je dirais JJ Hings Ice Cream & Things au 46, rue Bichat, dans le Xe. Je ne peux pas décrire le bonheur que cela me procure de manger ici. Sinon, pour le déjeuner et un super rapport qualité-prix avec une carte qui change tout le temps, le Café du Coin près de la place Léon Blum dans le XIe. Tous les dimanches, au marché de la Bastille pour le stand d’huîtres naturelles de Bretagne (Les Viviers du Logeo) que l’on peut déguster sur place ou à emporter. Pour les légumes et la super sélection de vins, j’aime Le Zingam, rue de la Fontaine au Roi. À Nice, le restaurant Chez Davia m’a laissé un souvenir mémorable. Et un peu plus loin, en Grèce, Margarita à Sifnos : on y mange délicieusement bien, notamment le tarama et la potée de pois chiche.

@gayatopow
Substack.com/@gayatopow

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