À 9 ans, tu savais que la cuisine serait ton métier. Quel a été ton chemin par la suite ?
Mes parents ont grandi dans une ferme. Leur façon de me transmettre ce qu’ils avaient vécu, c’était à travers la cuisine et les recettes de leur enfance. Très vite, me professionnaliser dans la cuisine a été une évidence, et mon entourage m’a beaucoup encouragée et soutenue. À 15 ans, je suis entrée au lycée hôtelier, puis j’ai fait un BTS en hôtellerie- restauration, un apprentissage chez Lenôtre et enfin, une licence en design culinaire. Durant cette année, je me suis questionnée sur ce que je souhaitais transmettre en tant que cuisinière, mon lien à la terre, etc. J’ai pris une année sabbatique pour aller travailler en tant qu’ouvrière agricole dans des fermes, notamment en Angleterre.


Et c’est là que le pain est entré dans ta vie ?
J’estimais que je ne pouvais être une cuisinière accomplie sans maîtriser la boulangerie. J’ai donc décidé d’apprendre la boulangerie au levain naturel auprès de paysans boulangers en Bretagne et au Pays basque. Et là, ce fut la révélation : ça me rendait tellement heureuse, ça ne cessait de m’inspirer. J’ai passé mon CAP en candidate libre et continué d’expérimenter en autodidacte, tout en prenant en photos ce cheminement. Je souhaitais garder une trace visuelle des recettes que je créais. Puis, pendant trois ans, j’ai travaillé chez des paysans boulangers à la Ferme d’Orvilliers, où j’ai appris la cuisson au four à feu de bois (pour finalement devenir la fournière du fournil). En parallèle, je développais le reste de mon activité – traiteur et consultante –, fruit de tout mon parcours dans la cuisine et la gastronomie.
Aujourd’hui, comment te présentes- tu ?
Plutôt que cheffe, je préfère me définir comme artisane, car ce mot fait davantage écho à tout ce que j’aime, au côté manuel et artistique de ma pratique. Je suis donc une artisane spécialisée en levain naturel et en cueillette sauvage, qui aime proposer des expériences culinaires mêlant ces passions. Que ce soit lors d’événements, en cuisinant à domicile et en résidence, ou en façonnant mes pains. Je suis aussi l’heureuse propriétaire d’un four à pain sur remorque ! De fonctionnel, il est devenu de plus en plus esthétique, et même si je ne peux pas faire le tour de France avec, il m’accompagne souvent dans mes déplacements.
Tu as évoqué un questionnement autour de ce que tu souhaites trans- mettre. Tu sembles avoir trouvé les réponses ?
Oui, plus je fais des rencontres, plus je partage ma passion, et plus cela avance naturellement. Ce qui m’anime profondément, c’est d’éveiller la curiosité et de transmettre mon univers, mais de la façon la plus simple possible car selon moi, le « bien manger » ne doit être ni compliqué, ni inaccessible. Les ateliers que j’organise dans ma maison sont le reflet de cette démarche. Le temps d’une journée, réunis à plusieurs, on fait du pain ensemble. Je sais que cela peut être intimidant, donc je tente d’enlever tout le stress de la manipulation pour que chacun ressente le bien-être et la gratitude d’avoir fait son propre pain. Ensuite, on partage un repas qui représente la saison et pendant lequel je fais goûter des choses étonnantes. En effet, j’ai un leitmotiv très « zéro déchet » : « on ne jette pas le pain ». Je m’amuse donc à tester des choses avec le levain, à sublimer des restes de pain en remplaçant par exemple la farine d’un gâteau par de la chapelure, ou en faisant des misos de pain de seigle… Ensuite, tout le monde repart avec un carnet de recettes !
Tu dis que ce n’est pas toi qui fais le pain, mais plutôt lui qui te fait ?
Faire du pain au levain induit une autre logique de vie et d’alimentation, dans laquelle tout se renouvelle. Il n’y a jamais la même routine. Cela permet de prendre du recul tout en restant humble. La météo, l’environnement, les caractéristiques de chaque farine… De nombreux facteurs vont jouer sur le pain, et c’est à moi de les « écouter » et de composer avec. Le pain t’invite à être dans la matière, à lire avec tous tes sens. C’est une expérience très sensorielle.


La forme des mains est très présente dans tes créations. Elle évoque cette expérience sensorielle ?
Pétrir le pain, cueillir, tresser de la vannerie, faire de la céramique : j’ai une fascination pour le toucher et tout ce qu’il est possible de créer avec ses mains
ou de communiquer par la gestuelle. Par exemple, chacun a une façon très personnelle de façonner le pain, cela peut même devenir une signature reconnaissable. L’art égyptien me fascine, on y retrouve de nombreuses formes de mains avec une courbure un peu particulière. Je m’en inspire et je m’amuse parfois à créer des mains en pain. Elles viennent ensuite rejoindre tous les autres pains que je conserve, collectionne ou que je tresse et accroche aux murs de ma maison. J’entretiens cette abondance de pain, elle nourrit ma créativité.




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