Mory Sacko x Maisons du Monde, la jolie collab art de la table

Le chef étoilé Mory Sacko signe une collection de vaisselle et d’objets avec Maisons du Monde, une ligne entre influences ouest-africaines, françaises et japonaises. Au menu ?  30 objets vivants, traversés de récits qui nous unissent. Extrait de la rencontre avec Mory Sacko dans le HOME Food n°7, numéro d’automne 2025.

Par Amandine Grosse Photographies : Maisons du Monde

Dans ton restaurant étoilé, tu attaches de l’importance à la vaisselle. Cette collaboration avec Maisons du Monde répondait-elle au désir d’aller plus loin dans le partage ?

La vaisselle fait partie intégrante de l’expérience dans ma cuisine. Quand Maisons du Monde m’a proposé cette collaboration, je n’ai pas hésité. On allait pouvoir penser une vaisselle du quotidien sans faire l’impasse sur l’esthétisme et les matières. J’avais aussi à cœur de raconter une histoire authentique, riche de cultures et d’un lien qui nous unit tous. Chacune des 30 pièces relaie un double récit : le mien, mais aussi celui qui nous rassemble.

Dans cette collection, il y a un vrai travail sur l’utilité et l’usage ; une dimension quotidienne qui ne met pas de côté la beauté et l’esthétique des pièces…

C’est essentiel de distiller du beau dans le quotidien ; la cuisine en est le territoire idéal. Autour d’une vaisselle que l’on aime, on fait naître de la joie et de l’inspiration dans les plats que l’on prépare. On a imaginé des pièces qui traversent le temps sans pour autant rester dans un placard. Elles sont là pour vivre sans craindre d’être cassées. Comme la couleur n’est pas primordiale dans mon esthétique, je me suis appliqué à travailler sur les formes et les matières en y infusant mes trois inspirations culturelles.

En effet, un dialogue multiculturel se crée, à l’image de ta cuisine qui nourrit la conversation entre l’Afrique de l’Ouest, la France et le Japon. En quoi cette collaboration en est-elle la continuité ?

J’ai naturellement construit ma cuisine autour de ce triptyque. J’ai vécu toute ma jeunesse entouré d’objets en bois et de calebasses africaines. La vaisselle traditionnelle française a aussi été mon outil de travail dans ma forma- tion de cuisinier ; ma passion pour le design et la culture japonaise sont une perpétuelle exploration. Il y a telle- ment de ponts à construire que c’était un exercice très plaisant de cheminer plus loin et de l’appliquer à la vaisselle. L’exercice consistait à trouver des points communs, des formes, de nouveaux visages qui naîtraient de l’influence des trois cultures ; comme un écho aux liens invisibles qui nous unissent, d’où que l’on vienne.

L’alliance est si bien maîtrisée que certains objets contiennent en eux une part équilibrée de chaque pays, tandis que d’autres s’inspirent d’un seul usage traditionnel mais changent de forme…

Le dialogue entre ces trois cultures s’est fait de manière très fluide parce qu’elles font vraiment partie de moi. La balance entre elles s’est faite naturellement, mais la non-balance aussi : il arrive qu’une pièce ne fasse écho qu’à une culture car elle se suffit à elle seule. On a joué sur les subtilités pour arriver à une collection multiculturelle, mais aussi non genrée et transgénérationnelle.

Une vaisselle peut-elle inspirer un plat, et inversement ?
Totalement ! Parfois, un plat va inspirer le contenant ; d’autres fois, c’est l’inverse. Quand un plat revient souvent à la carte, on en vient à imaginer une vaisselle sur-mesure qui accompagne, avec sens, l’histoire de la recette. La manière de le déguster va par ailleurs dépendre de son contenant. La vaisselle invite à une expérience complète. J’aime l’idée que nos pièces participent à une expérience ludique.

Dans cette collaboration, il y a effectivement l’idée de s’amuser avec les formes et les usages ; cela fait sans doute écho à ta vision de la cuisine et de la liberté qui en découle ?

J’aime ne pas limiter les usages : les assiettes renversées, c’est assez drôle. On réhabilite aussi les petites assiettes demi- lune (utilisées au XVIIIe, puis oubliées) dans lesquelles mettre les garnitures, mais que l’on peut aussi utiliser comme des assiettes de partage. Le bol peut servir de saladier mais aussi de vide-poches. Ce qui m’amuse, c’est de penser un objet dans un usage et de le voir s’incarner de plein d’autres manières.

La vaisselle fait aussi écho à l’idée de transmission. On a tous, dans un placard, un plat légué par nos parents, une pièce transmise par une grand-mère. Quelle vaisselle évoque ton héritage ?

J’ai une collection de bols en bois utilisée par ma mère et je lui ai piqué son mortier, indispensable ustensile de la cuisine africaine ! Ma compagne garde aussi précieusement de la vaisselle qui appartenait à sa grand-mère et que l’on sort religieusement pour des moments joyeux. Ces objets entretiennent un langage non verbal qui est très précieux.

Quelles pièces de la collection te rendent particulièrement fier ?

Il y a la salière et la poivrière dont le design m’est venu lors d’une visite au musée du Quai Branly. J’ai été inspiré par des cloches “rituel” utilisées par une tribu au Cameroun et liées ensemble. Il y a aussi les assiettes de garniture en demi-lune dont on avait l’usage au XVIIIe et qui ont disparu à la fin du XXe. C’est émouvant de ressusciter un objet, et si intéressant de faire ce petit travail anthropologique. Et puis il y a la chaise, objet phare du design, qui repose sur ses trois pieds, comme les trois cultures qui me nourrissent.

@mory_sacko_
Maisons du Monde

La suite à retrouver dans le dernier Home Food, n°7 – édition automne 2025, en kiosque depuis le 17 septembre 2025

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HOME FOOD

Numéro 7 (octobre/novembre/décembre) – Joie de recevoir
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