Montaine, peux-tu nous raconter dans quel environnement familial tu as grandi ?
Je viens d’une famille d’artistes. J’ai grandi à Paris et j’ai été éveillée dès l’enfance à la danse et à la musique. Ma maman avait sa propre école de danse, mon père était musicien amateur et ma grand-mère peignait. Elle avait pris des cours et aimait tout particulièrement peindre en extérieur, sur les bords de Seine, dans sa maison en Normandie. J’y allais tous les week-ends ; c’est un endroit qui m’inspire encore. J’ai aussi un oncle architecte en Sologne qui côtoyait souvent ses amis peintres, et ma marraine était une élève du poète René Char. J’ai évolué dans une atmosphère profondément artistique et j’ai toujours été très sensible à l’art.
Tu as consacré une partie de tes études à la recherche sur le concept de sublime en philosophie esthétique. Peux-tu nous en dire plus ?
J’ai beaucoup aimé la philo au lycée, et j’ai été très marquée par les concepts du beau et du sublime. Je suis une grande romantique ! Un jour, en écoutant le Requiem de Mozart, j’ai vécu quelque chose de fort ; ça m’a vraiment troublée. Je ne savais pas trop quoi faire de ma vie mais je voulais travailler dans la culture et dans l’art, alors j’ai fait des études de communication. Durant ma maîtrise, j’ai suivi un cours sur la philosophie esthétique et j’ai choisi de faire mon mémoire sur le sublime.
J’avais besoin d’explorer davantage cette forme d’expérimentation de la finitude de l’homme lors d’un moment très grand. C’était un sujet qui ne ressemblait à rien d’autre ; mes profs pensaient que c’était trop difficile, mais je me suis quand même lancée. J’ai poursuivi par un DEA sur la métaphore en peinture, où j’ai retrouvé le concept du sublime appliqué à l’histoire de l’art. Pendant mes études, j’ai obtenu un stage à l’Opéra de Paris ; une opportunité rêvée pour moi. Ça a été mon premier bureau ! J’avais besoin d’être là où il y avait du beau.
Ton DEA de philosophie de l’art en poche, tu as ensuite mis ton regard au service de l’image de grandes maisons de luxe comme LVMH et Chanel. À quel moment as-tu su que la peinture serait ton terrain d’expression ?
Lorsque j’étais encore chez Chanel, j’avais toujours plein de petits vernis à ongles de très jolies couleurs sur mon bureau. Un jour, j’ai pris mes flacons, je suis rentrée chez moi et j’ai commencé à peindre avec. Ce n’était pas fait pour ça, mais j’avais des couleurs et j’avais envie de peindre. C’est devenu une obsession du jour au lendemain ! La nuit, je rêvais de couleurs, d’associations de couleurs… Je ne m’étais jamais considérée comme une faiseuse, et soudainement, j’avais besoin de faire de mes mains. À partir de ce moment-là, une journée n’avait pas d’intérêt si je ne peignais pas. J’ai lancé mon compte Instagram, juste pour partager ma peinture, mais les gens ont commencé à me demander si je vendais mes tableaux. Puis tout s’est enchaîné : j’ai eu de longs problèmes de santé, j’ai été enceinte de mon fils, puis le retour au bureau a été compliqué, si bien que je ne suis pas restée. J’ai fait ma première vente grand format deux semaines après (des parents d’amis !) alors même que je ne me disais pas encore que j’étais peintre.
Tu as ensuite travaillé dans une galerie d’art à Paris avant de partir vivre à Nantes, puis Annecy. Comment as-tu vécu ces différentes expériences ?
J’ai adoré travailler aux côtés d’Antonin Gatier, le fondateur de la galerie Zèbres à Paris. Nous avons monté des expos ensemble ; il a mis ma peinture en lumière et m’a redonné confiance. Puis avec ma famille, nous sommes partis deux ans à Nantes. Nous étions très attirés par l’Océan. J’ai compris qu’on pouvait vivre ailleurs qu’à Paris (rires). Nous sommes ensuite venus nous installer à Annecy pour répondre à l’appel des racines savoyardes de mon conjoint (fondateur du podcast Business of Bouffe, ndlr). Je suis tombée amoureuse du lac !
Aujourd’hui, tu peins dans un atelier niché sous les toits où tu reçois également tes clients. Que t’apporte ce lieu ?
Cet endroit est si important ! Il me réconforte, il m’impressionne aussi, il m’inquiète parfois, il me surprend toujours. Ce qui s’y passe n’est jamais écrit à l’avance. Il m’a plu tout de suite. La sous-pente, la lumière idéale pour peindre, la vue sur les montagnes par la fenêtre… un vrai petit nid. J’adore rencontrer les gens et les recevoir ici. Le lien humain est essentiel pour moi. J’aime entendre leurs retours sur mes œuvres. Quand je me sépare d’un tableau, je sais où il va. Avant, ma sensibilité me coûtait ; maintenant, elle me fait vivre. Je fais le plus beau métier du monde, je ne pensais pas que ce serait possible !
Tu as peint une série sur-mesure pour les nouveaux bureaux du duo d’architectes d’intérieur Heju, ainsi qu’un triptyque pour Jars, la marque de céramique. Qu’est-ce qui te plaît dans ces collaborations ?
J’aime la contrainte qui me pousse vers quelque chose. C’est presque apaisant pour moi. J’ai grand plaisir à partager la liberté de créer, la simplicité d’avancer ensemble et de parler un langage commun.
Quel est ton processus créatif ?
J’ai besoin de calme et d’intimité pour peindre. Je suis inspirée par ce que je vois, mais surtout par ce que j’ai vu depuis que je suis née. Le ciel m’inspire énormément. Les formes, les couleurs, le mouvement, les transparences… tout y est. C’est abstrait donc ça me plaît. J’aime tout particulièrement le ciel de l’Ouest. Le matin, le lac est une merveille avec le soleil qui sort de la montagne… Je pars toujours de la couleur, c’est mon moteur, ce qui fait bouger ma main. Puis mon œil commence à composer. Moins je réfléchis, mieux ça se passe ! Mon processus créatif est très spontané. Je fais beaucoup d’aquarelles sur papier, puis je passe à l’encre ou au grand format. Je fonctionne souvent par périodes. Les petits formats sont mes chouchous. Pour la peinture à l’acrylique, je fais les couleurs moi-même avec des pigments et très peu de liant. J’aime la matière de la peinture, les teintes douces et naturelles. J’écoute aussi toujours de la musique quand je peins. Je ne pourrais pas vivre sans musique, et quand je ne peins pas, je suis nerveuse !
Justement, sur ton compte Instagram, tu mets en lumière tes œuvres en dansant. Pourquoi ?
C’est une façon de présenter mes toiles autrement. J’adore la musique et la danse, et cette idée m’est venue naturellement au moment de faire une vidéo. Je ne peins pas en dansant, mais il y a toujours du mouvement dans ma peinture. Depuis quelques mois, je prends des cours de danse contemporaine. Le prof est génial, il dit des choses sur la posture de l’artiste. Ça me nourrit pour mon travail !
Découvrir aussi l’artisanat de Leotti
_____
HOME MAGAZINE
Numéro 120 (novembre et décembre 2025) – Fin d’année festive Intérieurs chaleureux
7,90€

Disponible dans tous les kiosques en France et sur monmag.fr