Cette année sonne le glas du programme de végétalisation initié par la mairie de Paris en 2014, avec ses 100 hectares de verdure – 30 en agriculture urbaine – serpentant désormais sur les murs et les toits de la capitale. Une aubaine pour Marion et Alice, fondatrices du shop Alma, qui proposent depuis juin des fruits et légumes parisiens de saison dans leur boutique au sol recouvert de chaleureuses tomettes. Dans le même quartier, deux cafés-fleuristes, ouverts il y a deux ans, défendent aussi cette vision locale et durable du vivant, à l’échelle de l’assiette mais aussi des fleurs. « 85 à 90 % des espèces vendues en France proviennent de l’autre côté de la planète. Nous avons perdu 40 % de nos producteurs français en dix ans car lorsque vous achetez vos légumes, vous avez l’obligation d’en communiquer la provenance, mais pour les fleurs ce n’est pas du tout le cas », nous explique Audrey Venant, cofondatrice avec Mathilde Bignon de Désirée. En réponse, les deux amies se sont engagées à offrir des bouquets français toute l’année, frais et cultivés sans pesticides, à l’image d’une nouvelle génération de jardiniers, paysagistes et restaurateurs qui agissent au quotidien pour cette nature – que l’on chérit d’autant plus au retour du printemps. Promenade dans ces lieux végétaux que nous avons à la botte – sans mauvais jeu de mots –, à la décoration minutieuse et vertueuse, qui risquent de vous mettre des pétales plein les yeux… et la maison.
Fragrance
Fleuriste des délices
Entre les renoncules Hanoï au cœur empourpré et les premières pivoines rebondies, Claire Champonnais se réjouit de ce printemps qu’elle attendait avec hâte. La jeune femme a fêté en février les deux belles années de Fragrance, son café-fleuriste aux pierres et poutres apparentes dont la devanture vert d’eau à l’escouade de végétaux hirsutes égaie le trottoir de l’étroite rue Saint-Sébastien. « C’est le mélange d’odeurs, celle du café – torréfié chez Lomi – et celle des fleurs », qui lui a valu ce nom délicat, nous confie Claire. Écumer les allées de Rungis pour s’émerveiller, découvrir, chiner de nouvelles variétés, d’autant plus en cette saison où l’allée des petits producteurs locaux reprend vie, voici ce qui anime cette fleuriste reconvertie après des études de graphisme, bien qu’elle se lève pour cela chaque matin à 5 heures. Claire glane les espèces au coup de cœur, dans un univers toujours champêtre ; en témoignent les pompons sauvages des scabieuses ou les pampas diffuses. Des graminées ou fleurs séchées – parfois dans l’arrière-boutique – parachèvent cette sélection aux côtés de vases et de pots chinés en Belgique et aux Pays-Bas dans les adresses bien gardées de Claire. Côté food, c’est Keili, un pâtissier du quartier, qui se charge des banana breads, des cookies et des brownies à base de farine biologique. Un havre végétal dont on ne sort ni le ventre, ni les mains vides.
14 rue Saint-Sébastien, 11e arrondissement, Paris.
L’Abattoir Végétal
Resto-bar végétarien
Des pivoines bientôt écloses, la devanture de la nouvelle adresse de L’Abattoir Végétal en a la subtile teinte. Deux ans après l’ouverture de sa première cantine végétarienne dans une ancienne boucherie du 18e (d’où son nom), Ava Farhang a investi une ruelle de Saint-Germain‑des‑Prés depuis septembre avec une carte plus courte, ultra-fraîche et colorée. Pour sa fondatrice, ancienne danseuse et comédienne, ce lieu est une invitation à picorer, partager, fédérer autour du bon, qu’il soit végétarien ou végan, dans une décoration feutrée. Les chaises en velours, les tables terrazzo et les escaliers candides transcendent l’allure préservée de l’adresse historique, tout comme la jungle suspendue au plafond – arrosée avec amour – ou les fleurs séchées reposant dans des vases fumés. Au menu, des assiettes toujours homemade à base de produits bruts et sans substitut, mais aussi la complicité de gourmandes maisons parisiennes ou de créatifs culinaires : planches bien garnies de fauxmage de la crémerie végétale Jay&Joy, pâtisseries véganes de la Maison Landemaine, de Marie Sweet&Sour et d’Andrea Sham. Côté boissons, le café torréfié chez Coutume diffuse ses effluves corsés, aux côtés des infusions 100 % bio Chic des Plantes ! et des jus pressés à froid Yumi. L’autre exclusivité de la maison : des cocktails ou des mocktails, breuvages fleuris aux noms de figures féministes comme Rosa Parks, Frida Kahlo ou encore Simone Veil. Une raison supplémentaire d’y faire un tour aux beaux jours !
61 rue Ramey, 18e arrondissement, et 9 rue Guisarde, 6e arrondissement, Paris.
Alma
Jardinerie ultra-locale
Derrière Alma, entendez “almus” – en latin, “nourricier” – mais surtout “Al-Ma” pour Alice Lamoureux et Marion Eynius, deux amies de longue date, aux convictions alimentaires et environnementales au diapason. Leur credo ? Rendre l’agriculture urbaine accessible, en proposant notamment des fruits et légumes de saison poussant sans pesticides sur les toits parisiens, dans des caves ou des containers. Dans leur coquette échoppe à la devanture bleu canard ouverte en juin 2019, les paniers hebdomadaires, posés sur des tables d’écolier en bois vintage, regorgent au printemps de jeunes pousses verdoyantes de blettes, salades, épinards, radis, et de quelques irréductibles des jours fanés comme les carottes ou les endives. Ces récoltes du jour, acheminées sans carburant, côtoient tout le nécessaire des jardiniers malins : du terreau déshydraté – ciao les 50 litres à monter sur cinq étages –, des jardinières adaptées aux garde‑corps, des graines paysannes de la Ferme de Sainte-Marthe ou de la Box à Planter… À même les tomettes, d’esthétiques compagnons attirent aussi l’attention, comme les chics arrosoirs métalliques de Haws, les cactus Aÿ ou les usuels pots en terre cuite empilés. Alice et Marion proposent également la visite de fermes urbaines et des cours tous niveaux (via leur association Alma School) en boutique et sur leur propre toit, à dix minutes à pied. Pour semer de futures tomates juteuses et les graines du changement.
17 rue Keller, 11e arrondissment, Paris.
Ivy
Paysagiste urbain
Si la glycine sinue dans la charmante cour pavée, c’est pourtant la version anglaise du mot “lierre”, ivy, que Marie Ravanelle et Julie Duboscq ont choisi pour leur jeune adresse de paysagisme. Une plante dont certaines variétés centenaires, comme la Sagittifolia, évoquent la durabilité chère aux fondatrices. Marie et Julie se sont rencontrées sur les bancs de l’école de paysage durant leur reconversion. De leur entente prompte et de ce besoin commun d’authenticité, elles ont lancé Ivy en juin 2017, d’abord avec des team building en entreprise autour du végétal. En novembre dernier s’est ouvert leur atelier-boutique dans une enclave de bâtiments rénovés de la fin du XVIIIe siècle, ancien terrain de jeu d’arquebusiers, de ferrailleurs et de chiffonniers de la place de la Bastille. Sous les majestueux abat-jour tressés de chez Merci, elles pensent les palettes végétales de leurs projets urbains de terrasses, balcons et jardins sur une table en chêne upcyclé sur-mesure, œuvre de la Parquetterie Nouvelle. Sur celle-ci, couronnes, terrariums ou autres cyanotypes prennent aussi vie lors d’ateliers, en partenariat avec des maisons comme Invincible Été ou Fragrance. Le lieu, décoré avec la complicité de Commun Architecture et L’Appartement Parisien, regorge aussi d’objets à vendre : pots à réservoir d’eau Ciel mon radis, herbiers Spécimen, papier ensemencé Growing Paper, composteurs… de récents acolytes auxquels elles dédient, entre les semis de bulbes printaniers, une nouvelle série d’ateliers. Avis aux intéressés !
Cour Damoye, 12 place de la Bastille, 11e arrondissement, Paris.
Désirée
Cantine-fleuriste engagée
Suite à un périple en France d’un an à la rencontre des producteurs floraux, Audrey Venant et Mathilde Bignon ont eu la confirmation – après des détours par tous les Emmaüs du pays et l’achat de nombreux vases vintage – qu’il était possible de vendre des fleurs fraîches françaises toute l’année, de saison et sans traitement. Au printemps, elles chérissent par exemple les pois de senteur, les roses parfumées et les premiers delphiniums d’Île-de-France, ou les lilas et les narcisses de la pépinière Plein Air nichée à Belleville. Ouvert en novembre 2017, Désirée a éclos dans l’ancienne boutique d’un grossiste de vêtements divisée en deux espaces reliés par une magnifique verrière. Aujourd’hui, on y trouve d’un côté des fleurs, de l’autre de la food, et en sus, une terrasse décorée avec le mobilier bistrot iconique de la maison Drucker. « Suite à l’explication de notre démarche écoresponsable, ils ont retrouvé une collection des années 1970 qui était dans leur grenier, qu’ils ont retapé pour nous », précise Audrey. L’espace cantine intérieur est enjolivé des meubles en bois clair de J&J et de la vaisselle de Jars Céramistes. Au menu : des sandwichs avec le pain aux farines anciennes de la boulangerie Fermentation Générale et des plats frais aux ingrédients locaux, de saison et en majorité biologiques, cuisinés par la cheffe et pâtissière du lieu. Délice phare du moment : le Vert‑Vert, gâteau à la pistache ayant bercé l’enfance de Mathilde, qui doit sa recette à un Claude Monet inspiré par les jardins en fleurs de Giverny.
5 rue de la Folie-Méricourt, 11e arrondissement, Paris.