Artisanat : Romie Objetti et ses sculptures en bois

À la rencontre de la sculptrice et ancienne styliste Alice Damiens, fondatrice de sa marque d’objets d’intérieurs, bijoux, accessoires et bougeoirs en bois tout en rondeurs : Romie Objetti

Par Marine Mimouni – Photographies : Marine Burucoa

Il y a quatre ans, Alice Damiens replongeait dans la sculpture sur bois, avant de lancer, il y a un an, sa marque d’objets et de bijoux : Romie Objetti. Cette passionnée d’artisanat depuis l’enfance a laissé derrière elle son métier de styliste dans le prêt-à-porter pour se lancer à corps perdu dans la création de sa propre marque. Dans son appartement, à Pantin, la jeune femme nous dévoile ses créations sculpturales en bois empreintes de caractère et de poésie.

Nous voilà arrivées devant la porte d’entrée de la sculptrice. Sur un air de Janis Joplin, Alice Damiens nous ouvre chaleureusement les portes de son antre. À l’intérieur, l’appartement dégage un charme hypnotique. Placards en bois, pieds de table en marbre et suspension en papier à la Isamu Noguchi témoignent de l’amour que la jeune femme éprouve pour les matières nobles. Alors qu’elle est responsable du style chez Bensimon, Alice Damiens ressent le besoin de faire quelque chose de ses mains. Au cours du premier confinement, la styliste commence à imaginer des bijoux en bois, puis des lampes et des bougeoirs. « Au commencement, Romie Objetti n’était qu’un passe-temps mais très vite, j’ai ressenti le besoin de rendre ce projet concret. J’ai créé un logo puis de petites estampilles en laiton pour mes pièces en bois », poursuit-elle. En 2022, la créatrice décide de tout quitter pour se consacrer entièrement à ce nouveau projet.

̈ Je réalise mes formes à l’œil. Pour certaines d’entre elles,
je les découpe dans du papier pour ensuite les retranscrire dans le bois. ̈

Transmission familiale

Chez les Damiens, l’amour pour le travail du bois se transmet de génération en génération. Avec un grand-père menuisier et un père ébéniste, l’avenir de la sculptrice semble déjà tout tracé. Un pied à Paris, l’autre à Hombleux, en Picardie, Alice Damiens réalise l’intégralité de ses objets dans l’atelier de son père. « J’ai pris conscience de ce qu’il pouvait m’apporter et je ne voulais pas passer à côté de cet enseignement. Mon père m’a non seulement transmis de nouvelles techniques de conception, mais il m’a également incitée à réévaluer ma position et mon approche du tour à bois. » Le bois est alors pour Alice Damiens sa madeleine de Proust. Lorsque la créatrice commence à sculpter ses pièces, un sentiment de plénitude la submerge. L’odeur de la sciure, le toucher délicat de la matière, la cire d’abeille caressant le bois… Tout la ramène aux longues heures passées dans l’atelier de son père lorsqu’elle était enfant. Quand on la questionne sur ses souvenirs d’antan, la créatrice nous raconte : « Une fois, mon père m’avait emmenée acheter du bois dans une scierie à deux heures de route de chez nous. Ça me semblait tellement loin. Aujourd’hui, le sycomore ondé que nous avions acheté ce jour-là compose la commode qui se trouve dans ma chambre. Elle a été faite sur-mesure par mon père. À chaque fois que je la regarde, je me remémore cette journée incroyable passée avec lui. »

Photo : Marine Burucoa

Formes totémiques

Alice Damiens nous dévoile un pêle-mêle de ses inspirations, qu’elle a accroché au mur. Des portraits de femmes artistes qui l’inspirent comme Barbara Hepworth, des formes totémiques découpées dans les pages de beaux magazines et des photographies d’œuvres de Brancusi composent les branches du petit nid douillet rassurant que la créatrice s’est construit au fil de sa carrière artistique. Les formes en mouvement de ses multiples pièces se dessinent grâce à la gouge (une sorte de couteau métallique qui vient creuser dans la matière) qu’elle manie avec justesse sur son tour à bois. Ensuite vient l’étape du ponçage, qui apporte une finition parfaitement lisse, comme de la peau. « Je réalise mes formes à l’œil. Pour certaines d’entre elles, je les découpe dans du papier pour ensuite les retranscrire dans le bois. Entre la 2D du papier et la matière finale, le travail prend tout de suite une autre dimension. Il y a toujours des ajustements à faire », confie-t-elle. Zebrano, wengé, bubinga, olivier, iroko, frêne, chêne… Chaque essence de bois issue de sa réserve en Picardie est choisie en fonction de l’histoire qu’elle raconte. « Sans ça, il n’y a aucune utilité à faire des créations par soi-même », affirme-t-elle.

̈ J’aime quand il y a une ambivalence entre la forme et la matière car cela met en lumière le bois d’une manière différente. Mes créations sont dans une perpétuelle évolution. J’ai toujours une idée de base et ensuite je la modifie. ̈

Création instinctive

Au premier abord, les manches en ébène de ses couteaux rappellent étrangement le visage des imposantes statues de l’île de Pâques. L’idée de faire ces formes totémiques lui est venue en regardant de vieilles photos de famille où ses frères et sœurs posaient de profil devant l’objectif. Dans chaque réalisation que la sculptrice entreprend, un doux souvenir partagé avec sa famille est immortalisé. Ses lampes vêtues d’un abat-jour conçu par Laure-Anne Quereyron et ses bougeoirs captivants font écho, quant à eux, aux formes élégantes qu’elle imagine aussi pour ses bijoux. L’essence de son travail tourne autour de la question de la réappropriation et de l’esthétique. « En juillet dernier, j’ai commencé une formation dans le bijou en bronze. J’aimerais me lancer dans cette voie à l’avenir. Je pense aussi réaliser de plus grosses pièces comme du mobilier. Mon souhait est de ne pas restreindre ma pratique. » Aujourd’hui le bois, demain le bronze, Alice Damiens se laisse simplement guider par ses envies et surtout les signes du destin qui croisent son chemin. Alors, quel sera le prochain ?

Les belles adresses d’Alice Damiens, entre Paris et la Côte d’Opale :

Une boutique que vous chérissez ? Panorama Mundi est une nouvelle adresse dans le 3e arrondissement de Paris. J’adore tous les objets qui se trouvent dans cet endroit. Certaines de mes créations y sont même exposées depuis la rentrée. C’est une boutique où l’artisanat français et sud-américain est mis en lumière.
13 Rue des Filles du Calvaire, 75003 Paris
Un lieu culturel pour s’évader ? J’aime beaucoup le musée Zadkine, non loin du jardin du Luxembourg. L’atelier de l’artiste fait face à un petit jardin verdoyant, c’est vraiment un lieu qui m’apaise.
100bis Rue d'Assas, 75006 Paris
Une architecture à admirer ? Je suis passionnée par le travail de l’architecte Roger Anger. À défaut de prendre mes billets pour Auroville (Inde) (la ville où il a été le principal architecte), je conseille d’aller voir les multiples halls d’immeuble qu’il a réalisés à Paris. Mon préféré reste celui qui se situe au 25 avenue Paul-Doumer, dans le 16e arrondissement.
25 avenue Paul-Doumer, dans le 16e arrondissement.
Une adresse de restaurant à nous confier ? Récemment, j’ai découvert le Delhi Bazaar, et ça a été une belle surprise. Mon amour pour la cuisine indienne s’est révélé lorsque j’ai séjourné un mois sur le continent en début d’année. La cuisine que propose ce restaurant est à la fois contemporaine et créative. Le petit plus est que l’on y trouve une carte de vins nature dont l’un de mes préférés, le Skin Contact.
71 Rue Servan, 75011 Paris
Un lieu pour prendre le large ? J’adore la Côte d’Opale. Originaire de Picardie, la mer du Nord m’a toujours grandement inspirée. J’aime particulièrement les immenses falaises d’Ault ainsi que le Bois de Cise, un petit village où de superbes maisons se cachent dans la forêt. À l’horizon, la mer se confond avec le ciel, il y a un côté assez mélancolique qui me plaît.
Une librairie à nous conseiller ? J’aime aller à la librairie Yvon Lambert pour trouver des livres et des magazines inspirants à ajouter dans ma bibliothèque.
14 Rue des Filles du Calvaire, 75003 Paris

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@romie.objetti

Article à retrouver dans le HOME Magazine n°108 (novembre-décembre 2023), disponible en kiosque.

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