Artisanat : les céramiques solaires de la brésilienne Elidiane Soares

Alors que 2025 est l’année qui célèbre le Brésil en France, Elidiane Soares, céramiste d’origine brésilienne installée à Marseille, nous invite à plonger au cœur de son univers créatif. La jeune femme façonne des objets durables et empreints de caractère, reflets d’une harmonie subtile entre art et utilité. Elle nous a reçus autour d’un café, dans l’intimité de son atelier. Rencontre.

Par Iris Cazaubon – Photographies : Stella Cariou et David Girard

De vos études d’architecture et d’urbanisme au Brésil jusqu’à votre reconversion dans la céramique en France, pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
J’ai étudié l’architecture et l’urbanisme à l’université fédérale de São João del- Rei, au Brésil, où la liberté créative est très présente. Toutefois, après mes études, je me suis vite confrontée à des contraintes professionnelles qui limitaient mon besoin d’expression artistique. J’ai compris qu’il fallait que je bifurque vers une autre voie. Lorsque je suis arrivée en France en 2018, je me cherchais professionnellement, jusqu’à ce que je participe à un cours d’initiation à la céramique. Dès que j’ai touché la matière, j’ai ressenti une satisfaction immédiate, presque addictive. C’est devenu une évidence : je voulais en faire mon métier. Je me suis formée à Paris, auprès de céramistes comme Anne Deberly et Laure Sulger. Aujourd’hui, je continue à diversifier les techniques pour enrichir mon processus créatif. La céramique est un terrain d’expression infini.

Justement, comment votre vision d’architecte nourrit-elle vos créations ?
Tout comme en architecture, où l’usage et l’agencement des espaces sont primordiaux, la praticité est au cœur de ma réflexion. Je pense à la manière dont la carafe, la tasse ou le coquetier sera utilisée au quotidien. J’aime concevoir l’objet comme une extension de l’expérience corporelle, en veillant à ce qu’il soit agréable à manipuler et à ranger. L’idée est qu’il fasse partie intégrante de la vie de tous les jours, qu’il ne finisse pas au fond d’un placard. Il y a aussi une rigueur géométrique très présente dans mes créations, inspirée par l’architecture moderniste.

La culture brésilienne laisse-t-elle une empreinte particulière sur vos œuvres ?
Le modernisme brésilien, qui prône la simplicité des formes et l’adaptation des espaces aux besoins humains, résonne profondément avec la façon dont je conçois la céramique. J’ai par exemple créé des tableaux en céramique en m’inspirant des jardins du paysagiste Roberto Burle Marx. Le maître des azulejos brésiliens, Athos Bulcão, est également une source d’inspiration, d’autant plus qu’il travaille la même matière que moi. Ce lien s’est concrétisé, ce printemps, par la présence de certaines de mes pièces à la galerie Kolektiv 318, à Marseille. Elles ont été mises en lumière dans le cadre de l’exposition Brasilia, utopie capitale – Oscar Niemeyer.

Pourquoi ce nom d’artiste : madamesolo ?
Le nom madamesolo associe en français, la langue dans laquelle j’ai développé mon activité, le terme “madame” qui évoque une identité féminine, et solo, qui signifie “le sol, la terre” en portugais brésilien, ma langue natale. La terre représente à la fois la matière brute et malléable ainsi que l’ancrage. Elle fait écho au contact direct avec le réel, à l’expérience du travail manuel, tout en portant nos racines, nos souvenirs et tout ce qui nous relie à un lieu ou à une culture.

Pouvez-vous nous parler de votre démarche et de vos valeurs ?
Ma démarche est axée sur la création responsable. Je limite au maximum l’utilisation de composants polluants et je recycle les matériaux. L’une de mes particularités réside dans la fabrication de mes propres émaux. À travers des expérimentations minutieuses, je développe un émail stable, résistant et qui ne se tache pas. Je refuse d’acheter des émaux tout faits dans le commerce, je mets un point d’honneur à les concevoir moi-même.
Je prête également une grande attention à la durabilité de mes créations. En choisissant des terres de haute température, comme le grès, je conçois des objets pensés pour durer toute une vie. Solides et résistants, ils supportent le lavage, même au lave-vaisselle, et ne s’écaillent pas. La durabilité passe aussi par le plaisir d’utilisation. Un objet à la fois fonctionnel, solide et esthétique donne envie de l’utiliser chaque jour et de le garder longtemps.

Votre atelier est basé à Marseille. Quel lien entretenez-vous avec cette ville ?
La chaleur humaine des Marseillais me rappelle celle du Brésil. Je retrouve la même convivialité et ce mélange de cultures. Au Brésil, chaque région possède sa propre identité. Je retrouve cette diversité ici, à Marseille. La facilité d’échange et la spontanéité des rencontres me rappellent également l’ouverture des Brésiliens.

@mme.solo

_____

HOME MAGAZINE
Numéro 118 (juillet et aout 2025) – Extérieur joie • Célébrer l’été
7,50€

Disponible dans tous les kiosques et sur monmag.fr