Céline Lescure Inquel, fondatrice de Plume

Passée par mille vies, Céline a créé sa marque de prêt-à-porter en pré-commande, Plume, il y a deux ans avec une conviction : toujours plus responsable et éco-consciente, la mode doit rester source de plaisir ! Rencontre avec cette créative bordelaise à la tête d’une tribu de 6 enfants, qui nous livre sa vision d’une mode plus juste tournée vers l’avenir, et raconte la façon dont elle trouve son équilibre dans un quotidien effréné.

Par Margaux Steinmyller

Depuis quelques années, tu t’es lancée dans la folle aventure de l’entrepreneuriat : un studio photo, une agence d’évenementiel dans l’enfance, une start up dans le digital… D’où viens-tu à la base, quel est le fil rouge de ton parcours ?
Je dirais la créativité, depuis toute petite ! Je ne viens pas d’une famille d’artistes, mais j’ai toujours aimé dessiner, prendre des photos, faire des vidéos, cuisiner, arranger la déco… C’est une sorte d’hygiène pour moi, mais je n’avais jamais pensé en faire mon métier. Après le bac, je suis partie vivre à l’étranger, d’abord en Italie où j’ai vécu chez un très grand artiste, Lorenzo Mattotti, puis à Londres où j’ai rencontré des photographes reconnus dans la mode. J’ai été immergée dans cet écosystème ! En rentrant en France, je suis devenue maman et j’ai dû trouver un travail plus “stable” : j’ai été directrice d’une boutique de déco, commerciale dans l’automobile… À côté, je faisais des photos mais je restais persuadée qu’on m’appelait parce que c’était gratuit (rires).
Et puis à 35 ans, changement de vie : je divorce. Je ne sais pas pourquoi, c’est à partir de ce moment que je me suis sentie légitime et j’ai lancé mon studio photo – via lequel j’ai accompagné de nombreuses marques comme Soin de Soi. Ensuite, j’ai commencé dans l’événementiel pour enfants, et puis mon mari a lancé une start up dans le digital (une plateforme de masterclass avec de grands champions). Je lui ai donné un coup de main comme directrice artistique, et puis finalement je suis restée. J’avais 40 ans, on était incubés chez Station F et j’ai énormément appris : l’UX, le code, c’était passionnant et finalement très intuitif pour moi.

À quel moment as-tu eu l’idée de lancer Plume ?
En 2016, j’ai ouvert mon compte Instagram @celine_plume_et_caramel (devenu @__c_l_i__ aujourd’hui) pour communiquer sur ma société d’évènementiel. Je publiais tout ce que je faisais, photos y compris, et ça a marché. Je me suis rendu compte que lorsque je portais des vêtements, c’était aussi très apprécié. L’idée de Plume est tombée sous le sens. Plus que la mode, les tendances, j’aime le vêtement. C’est une source de plaisir, mais aussi une façon de s’exprimer, une expérience toute entière. Je suis très concernée par les enjeux climatiques et la pollution textile, alors forcément, j’ai voulu créer une marque éco-consciente et raisonnée.

Pourquoi “Plume” ?
En écho à mon ancienne société “Plume et Caramel”. J’ai fait participer ma communauté au lancement. On a fait plusieurs ateliers de design thinking et le mot Plume est ressorti. Il évoquait la douceur, le côté léger, doux et féminin. Mais également l’écriture, car ce que j’aime avant tout c’est de raconter des histoires, embarquer les gens dans un univers !

Toi qui ne venait pas forcément du milieu de la mode, par quoi as-tu commencé les premières semaines ?
Je me suis servie de tout ce que j’avais appris dans le digital, et bien sûr des échanges avec ma communauté. J’avais besoin de comprendre les valeurs que je transmettais. La notion de plaisir, d’authenticité, de douceur mais aussi d’allure, d’élégance. Et puis je pense que les femmes de ma communauté aimaient le côté “real life”, accessible et le fait qu’à 40 ans passés, je m’assumais dans certaines pièces. Je m’occupais du stylisme, et j’ai fait appel à des freelances en modélisme, puis j’ai trouvé des fournisseurs (le plus difficile !). J’avais 44 ans, j’étais une femme, tout sauf issue du secteur et je voulais lancer une marque de prêt-à-porter en pré-commande… Beaucoup de professionnels m’ont ri au nez, et certains m’ont fait confiance. Je leur suis restée fidèle, encore aujourd’hui.

Quelles ont été les premières pièces que tu as imaginées ?
La première création était une jupe en cuir dorée (toujours un best seller aujourd’hui) puis la maille. Une jolie matière tricotée à la main, très douce. Et deux robes, dont l’une évoquait le voyage.

Où sont fabriquées les collections ?
70% du chaine et trame est fabriqué en France avec la plupart du temps, 60% de tissus conçus par des fabricants français (Deveaux ou Trouillet par exemple). Tout ce qui est compliqué comme le cuir, la gaze de coton, les broderies ou les perles, est fait en Inde dans des usines ultra auditées. On ne fait aucun compromis sur la qualité, surtout en pré-commande où les clients patientent quelques semaines avant de recevoir leurs achats.

Est-ce encore possible de faire du made in France de A à Z dans la mode ?
Oui, mais en oubliant toute une partie du savoir-faire. La broderie, l’incrustation, le macramé, les brocarts.. On a perdu ce savoir-faire en France, y compris la plupart des machines ! C’est en train de revenir, mais il va falloir du temps, on y croit.

Quelle est ta vision d’une marque de mode éco-responsable en 2022 ?
Il faut repenser à toute la chaîne de production dans une marque de prêt-à-porter : conception, fabrication, vente et l’usage au quotidien.
D’abord, on essaye de créer des pièces durables, que ce soit d’un point de vue “matériaux” ou “style”. Le tannage et les fibres organiques ont souvent une durée de vie plus incertaine, un design trop marqué ou anecdotique finira par lasser. On pense à l’impact environnemental à long terme, et donc à des pièces qu’une cliente pourra garder au moins 10 ans. C’est pour cela qu’on mise sur le confort et l’intemporel, sans négliger la notion de plaisir. Ensuite, on a vite pensé à la précommande. À l’époque, c’était très novateur en France, et en même temps si évident ! Finalement, on revient au premier modèle économique du secteur. En produisant des quantités au plus juste, on fait beaucoup d’économies d’énergies sur l’utilisation des matières, le transport et potentiellement les déchets. On produit un tout petit peu plus pour finir les rouleaux de tissus et s’assurer une marge de manœuvre en cas d’échanges ou retours clients (ndlr : la marque propose également certaines pièces disponibles en stock). On s’est adaptées un minimum à la saisonnalité (difficile de proposer un blazer de rentrée en plein mois de juillet), et on propose -25% de réduction sur la pré-commande pour encourager cette façon de consommer. L’idée est de montrer qu’on peut toujours se faire plaisir, mais de façon raisonnée. Et cela fonctionne, car la majorité (60%) de notre chiffre d’affaires provient de la pré-commande ! On ne révolutionne pas l’industrie ni la planète, mais on fait au mieux à notre échelle et on se rend compte que les mentalités évoluent.

Comment justement, aller encore plus loin en termes d’éco-responsabilité ? Quels sont vos challenges et vos préoccupations en ce moment par exemple ?
C’est non stop ! On se pose toujours la question de comment mieux faire. On va proposer prochainement la possibilité de choisir son packaging. Une boite made in France en carton recyclé avec un pochon en coton, ou rien du tout si la cliente n’en a pas besoin. J’aimerais trouver des emballages recyclables, c’est notamment beaucoup plus léger pour le transport. Et puis aller toujours plus loin dans le choix des matériaux, avec du lyocell ou du polyester upcyclé par exemple. Même au niveau digital, on se pose la question de notre impact, cela revient à minimiser notre présence sur les réseaux sociaux, à poster moins souvent…

Tu es à la tête d’une tribu recomposée de 6 enfants, dirais-tu que ta famille t’inspire dans ton quotidien d’entrepreneuse ?
On a 6 garçons de 21 ans à 6 ans, autant dire qu’il n’y a pas beaucoup de robes à la maison (rires). Et finalement c’est quand même inspirant, parce que gérer une famille recomposée demande beaucoup de résilience, de patience et de créativité. Il faut être capable de célébrer les petits moments de vie quand tout se passe bien. Gérer une boîte à côté de tout ça, c’est beaucoup plus simple ! C’est d’ailleurs comme cela que j’ai rencontré Elise mon associée. Elle a rejoint l’aventure au lancement. Elle me suivait sur Instagram depuis mon passage dans le podcast La Matrescence où je parlais de famille recomposée. Et on peut dire qu’elle s’y connaît, car elle-même est à la tête d’une tribu recomposée de 8 enfants ! Elise était à la tête de la marque Rock Mafia il y a quelques années, et c’est un pilier chez Plume aujourd’hui !

 Comment fais-tu pour trouver ton équilibre dans cette vie bien agitée ?
Je suis une grande gourmande mais j’ai compris que j’étais réellement bien quand je mangeais plutôt sainement et quand je faisais 2 à 3 cours de yoga par semaine. Quand je n’ai pas le temps, je me garde des petits moments créatifs rien qu’à moi : un cours de céramique, du jardinage, de la cuisine ou même écouter un podcast pendant mon brushing. Je me suis offert il y a peu une retraite bien-être de 5 jours, je n’avais d’ailleurs pas réalisé qu’il y avait un jeûne. Ça a été un vrai reset ! Alors c’est vrai que ma vie est une course effrénée, celle d’Elise aussi. Mais on le veut et on aime ça ! Il faut simplement parfois savoir s’arrêter pour prendre un peu de recul et se concentrer sur l’essentiel.

Un rêve dans un coin de ta tête pour les années à venir pour Plume ?
L’un s’est déjà réalisé il y a peu : croiser des filles dans la rue habillées en Plume ! À l’avenir, mon seul souhait, c’est d’offrir du plaisir. Un petit rictus quand on parle de Plume, et je suis la plus heureuse !

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Plume
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