Les céramiques d’Elisa Uberti

Dans son atelier, à Roubaix, la céramiste Elisa Uberti laisse parler son imagination à travers des objets emplis d’élégance et de brutalité. Ses lampes primitives, ses assises majestueuses et ses sculptures en vannerie témoignent de son amour pour le fait main. Une sorte de refuge où la nature reprend ses droits. Rencontre.

Par Marine Mimouni - photos : Alcova / Elisa Uberti

Qui êtes-vous, Elisa Uberti ?

Originaire du nord de la France, j’ai commencé une formation dans les arts appliqués, à Roubaix, pour ensuite me diriger vers une école de mode où j’ai étudié le stylisme. Par la suite, je suis devenue le bras droit d’une créatrice de lingerie, à Paris. Après une année de loyaux services, j’ai ressenti le besoin de créer ma propre marque de prêt-à-porter féminin. Elle a vu le jour sous le nom de Liliza. Au bout de huit ans, une grande marque de distribution a remarqué mon travail et m’a demandé de devenir leur styliste à temps plein. J’ai accepté leur proposition. Cette collaboration a duré huit ans. Je me suis lancée dans la céramique lorsque je suis tombée enceinte de ma fille. J’ai d’abord effectué une formation en tant que sculptrice en céramique pour ensuite me diriger vers une formation plus professionnalisante afin d’apprendre toutes les techniques du métier durant neuf mois. J’ai créé mon atelier en juillet 2018.

Quel a été votre déclic ?

Lorsque je réalisais les moodboards de mes tenues, j’aimais beaucoup intégrer des photographies de céramiques. Les textures et les couleurs étaient les caractéristiques que je chérissais le plus. J’ai donc voulu prendre quelques cours pour me familiariser avec le modelage et en savoir plus sur l’univers de la céramique. Au départ, je ne savais pas si la pratique allait me plaire. C’était une expérience comme une autre. Mais ce côté brut, un peu primitif, que l’on retrouve dans la céramique m’attirait énormément. J’ai donc participé à un cours de sculpture même si ce n’était pas ce que je recherchais en premier lieu. À l’époque, je désirais apprendre les techniques pour concevoir de la vaisselle, ou encore des vases. Lors de ma deuxième formation, mon professeur était un ancien potier des années 1970. Il m’a beaucoup apporté.

Où puisez-vous votre inspiration pour réaliser toutes ces formes ?

Beaucoup de personnes font référence à des formes animalières lorsqu’elles voient mes créations ; ce qui n’est en aucun cas ma source d’inspiration. J’ai toujours été influencée par l’architecture organique des années 1970, mais aussi par l’univers du peintre et sculpteur André Borderie. Lors de ma formation, un sculpteur présent m’avait fait remarquer que mes formes arrondies faisaient référence à ma grossesse. Je pense qu’il y avait un lien, en effet. D’une certaine manière, j’avais l’impression de caresser la tête de mon bébé. Dans mes créations, j’essaie également de concevoir une sorte de refuge où l’on se sent en sécurité, comme le bébé dans le ventre de sa mère. En réalité, mon travail est assez instinctif. Je réalise toujours des croquis en amont, et ensuite je laisse parler mon imagination.

̈ Le fait de ne pas avoir de formation de designer me permet d’être assez libre dans mes créations. ̈

Ici, la lampe en céramique Jeanne avec sa belle chevelure en laine. À travers cette douce création, la céramiste rend hommage à sa grand-mère.

Pouvez-vous nous parler de votre technique de conception ?

J’utilise la méthode du colombin. Les uns au-dessus des autres, j’assemble des boudins de terre pour créer mes formes sculpturales. La première fois que j’ai utilisé cette technique, je n’ai pas du tout été conquise ; elle nécessite énormément de patience. Mon professeur me l’a tout de même conseillé car elle apporte une grande liberté de création. Aujourd’hui, c’est l’une des techniques que je préfère (rires).

̈ Contrairement à mon ancienne marque de mode, je ne voulais plus produire en grande quantité et penser tous les six mois à de nouvelles pièces. J’avais besoin de créer des objets intemporels et qui peuvent se transmettre. ̈

La plupart de vos objets et pièces de mobilier sont réalisés en grès. Qu’est-ce que vous apporte cette matière en particulier ?

J’aime avant tout sa texture. Son aspect primitif est l’une des caractéristiques qui m’a séduite. Il m’arrive parfois d’émailler mes pièces avec une préparation réalisée par mes soins, mais cela reste assez rare.

Pouvez-vous nous expliquer ce choix ?

Je trouvais cela intéressant de faire un clin d’œil à mon parcours initial dans la mode. Au départ, je ne voulais pas travailler avec de la laine, mais de la fibre naturelle d’agave. Je désirais que cela ressemble à une longue chevelure. J’ai été conquise par le résultat. La laine dialogue à la perfection avec la lumière.

Travaillez-vous avec des artisans en parallèle ?

Je travaille avec l’atelier Brins de Malice pour mes créations en vannerie. Au départ, je voulais concevoir ces pièces par moi-même avec l’aide de la vannière, mais cela demandait une formation supplémentaire. Par manque de temps, j’ai demandé à l’artisane de réaliser la totalité de mes sculptures en fonction de mes dessins. Billie, Jeanne, Zénith…

Comment trouvez-vous le nom de vos objets ?

Jeanne était le prénom de ma grand- mère. J’ai réalisé cette sculpture lorsque j’ai appris son décès. C’était un hommage en quelque sorte, d’autant plus qu’elle m’a donné le goût de la couture et du textile. La lampe Billie a été dessinée par ma fille lorsqu’elle avait 5 ans. Un jour, une feuille à la main, elle m’a tendu son dessin. Je suis tout de suite tombée amoureuse de sa création. J’ai donc décidé de la réaliser en céramique pour mon exposition à Alcova, lors de la Design Week de Milan en 2023. Tous les autres noms font référence à l’habitat, mais aussi à l’architecture moderniste qui me tient particulièrement à cœur. Mes lampes crêtes me sont venues lors d’un voyage à Zanzibar, en Afrique. Le fait d’être enveloppée dans une atmosphère solaire m’a apporté une nouvelle vision créative. Elles représentent tout simplement les rayons du soleil ; d’où leur nom, Zénith.

Quels sont vos projets pour la suite ?

Au cours de Design Miami, en décembre 2023, j’ai présenté l’une de mes pièces par la galerie Scène Ouverte. Un duo show est également en préparation à Paris. J’espère présenter durant la prochaine Design Week de Milan, à Alcova, des appliques et sculptures murales avec de la fibre d’agave. En ce moment, je réalise des sculptures miniatures (entre 15 et 20 centimètres) que j’ai nommées le Tiny Project. Cela me permet de mettre au point de nouvelles formes, mais aussi d’innover dans les textures. J’aimerais m’inspirer de ces petits objets pour les réaliser grandeur nature par la suite.

@elisauberti

____

Article à retrouver dans le HOME Magazine n°109 (janvier-février 2023), disponible en kiosque
Découvrez le sommaire du numéro !

S’abonner à Home Magazine (papier+numérique)

Acheter le numéro