Intérieur : chez les fondateurs de Heju à Lille

Depuis 2015, Hélène Pinaud et Julien Schwartzmann, à la tête du studio Heju, multiplient les projets d’archi chez des particuliers comme pour des boutiques, et posent leur regard minimaliste et poétique sur des objets de déco et de design qui rendent chaque collab’ incontournable. Ils nous ouvrent les portes de leur nouvel intérieur à Lille et nous parlent de l’habitat comme refuge vers l’imaginaire.

Par Amandine Grosse – Photographies : Marta Puglia

Cette fin d’année 2025 est riche d’actualités pour Hélène Pinaud et Julien Schwartzmann : une nouvelle collection de papiers peints avec Season Paper, diverses collaborations de mobilier avec des marques dont ils ne peuvent pas encore révéler le nom, le design de la nouvelle boutique Klin d’œil, mais aussi plusieurs projets de rénovation d’appartements et de maisons à Paris et à Lille, où ils ont récemment élu domicile. En effet, après dix années passées dans la capitale, Hélène et Julien ont choisi la métropole lilloise pour imaginer leur nouveau décor. « Nous ne connaissions personne là-bas, mais d’une certaine manière, le nord de la France nous rapprochait de la Scandinavie qui nous inspire tant. Nous apprécions aussi la proximité avec la scène belge. »

Une maison comme un manifeste
Poussés par leur jeune parentalité et désireux d’agrandir leur espace dans une grande ville tout en gardant leurs bureaux à Paris, ils rencontrent l’évidence dès leur deuxième visite : une maison typique du quartier Saint- Maurice Pellevoisin, à 15 minutes à pied de la gare, aux possibilités à la hauteur de leurs ambitions : « La maison était assez sombre avec de grands carreaux couleur ardoise au sol et des fenêtres en alu. Tout était très foncé, aux antipodes de nos goûts en matière de couleurs et de matériaux. Durant huit mois, nous avons travaillé avec les équipes qui nous suivent sur nos chantiers pro et avons pu emménager en famille en juin 2024. » Il faut y apporter plus de clarté, mais surtout leur touche singulière : un minimalisme sensible qui offre à l’esprit le loisir de s’apaiser et de réfléchir.

La maison lilloise s’inscrit ainsi comme le prolongement tangible de leur vision : un équilibre subtil entre espace, lumière, matière et esthétisme organique. « Notre intérieur est plus simple et dépouillé que ce que nous proposons à nos clients, mais en tant que créatifs, nous avons besoin d’un espace qui agisse comme une page blanche. » Leur habitat devient à la fois un laboratoire de création et un manifeste de leur philosophie : le minimalisme se pense au service de l’humain. Et de la poésie (le duo a sorti un livre, Minimalisme poétique, qui relaie en images et en mots cette philosophie, ndlr).

Matières à réfléchir
Il y a dans l’approche d’Hélène et de Julien une importance donnée à la matière et à la sensorialité. Amoureux du bois, c’est sur le béton ciré qu’ils aiment marcher : « On a travaillé en partenariat avec Mercadier. C’est une matière qu’on utilise dans tous nos projets. On aime beaucoup son aspect minéral et tactile. On a joué avec différents types de rendu et d’expérience sensorielle. Au rez-de-chaussée, on a un béton coulé très lisse qui s’apparente à une résine, alors que de chaque côté de la cheminée, on a opté pour un béton ciré taloché qui propose plus de texture. Dans notre salle de bains, le béton rosé s’adapte parfaitement à la douceur de cette pièce. Chaque sol entre en résonance avec les murs, les peintures, la couleur de la banquette, etc. On aime jouer sur les matières mais en composant une même tonalité. » Le studio sort d’ailleurs une collection de béton ciré pour Mercadier en détournant l’utilisation première. Entre projet personnel et réalisation professionnelle, le duo d’architectes est en constants vases communicants. Pour le reste, Hélène et Julien sont fidèles à leur attrait pour les essences de bois :

« Nous sommes très influencés par les pays scandinaves, en particulier par le travail de l’architecte finlandais Alvar Aalto. Le bouleau est un de nos matériaux de prédilection, mais on aime par ailleurs mêler les essences. Toute la partie verrière dans la salle à manger, qui était en alu et PVC, a été refaite en chêne pour apporter davantage de présence et pour se détacher de nos meubles en frêne ou en bouleau. »

Depuis les bancs de l’École nationale supérieure d’architecture de Strasbourg, les fondateurs du studio Heju nourrissent deux amours complémentaires : la Scandinavie, donc, et le Japon. « Il existe un lien culturel de l’habitat entre ces deux régions du monde, une connexion à la nature très forte. On s’est toujours intéressés aux architectes japonais qui à l’époque de nos études étaient très en vogue, comme Junya Ishigami qui travaille sur les limites du bâtiment entre intérieur et extérieur, et sur les formes organiques. Quand on s’est un peu plus intéressés au design, on s’est aperçus que la Scandinavie s’interrogeait aussi beaucoup sur la fonction, la pureté des lignes et la façon dont l’intérieur cohabite avec le climat hostile. Cette impermanence existe aussi au Japon, confronté à des conditions climatiques multiples. »

L’esprit hygge, qui place la maison comme refuge et sanctuaire des plaisirs simples, se dessine en fil rouge dans le travail d’Hélène et Julien, et dans leur mode de vie aussi : « On s’inspire de cet art de vivre nordique en proposant des aménagements qui invitent à l’apaisement mais aussi en mouvement. Dans un contexte anxiogène et dans un monde où les sollicitations fusent, la maison est devenue un outil de bien-être mental. La quête de fluidité et l’harmonie sont au cœur des plans que l’on dessine et des éléments qui le composent. »

La beauté dans les détails
Aujourd’hui parents d’un petit garçon de 2 ans, le couple développe une attention particulière à la mobilité, en tâchant plus que jamais de penser l’intérieur comme une matière vivante. À ceux qui auraient des doutes quant à la présence d’un enfant dans un décor aux lignes aussi léchées qu’épurées, Hélène et Julien avancent l’importance qui les anime de transmettre ce rapport au beau et au soin à leur enfant. Sans le contraindre pour autant. « C’est même le contraire : on a pensé notre maison comme un lieu de découverte, sans limite de mouvement. Certains meubles sont spécialement conçus à hauteur d’enfant pour le laisser libre dans ses jeux. Et si un jour, il veut un lit rouge, on le changera sans problème ! » s’amuse Hélène. Ici, le mobilier, les œuvres d’art et les matériaux deviennent par ailleurs des outils d’éducation et d’inspiration, montrant dès le plus jeune âge que l’esthétique et la qualité participent à la vie quotidi- enne, et fertilisent autant le respect que l’imagination. Pour le couple, la maison est avant tout un lieu de déploiement personnel. « En s’installant dans une maison, Julien rêvait d’un piano pour pouvoir en jouer et transmettre sa passion à Léon. On a cherché un modèle en phase avec notre décor. C’est un piano danois qui a arrêté d’être produit dans les années 1970. » De son côté, Hélène nourrit son amour pour l’art pictural en s’offrant les collages de l’artiste Marine Echavidre et, récemment, une toile rêvée de la peintre néerlandaise Julie Haverkamp. S’attacher à l’essentiel en cultivant son bien-être : telle est la ligne de conduite
de ces archi-passionnés.

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@hejustudio