À Marseille, Margaux Keller vit au rythme des nombreux projets de son agence de design global et de sa propre maison d’édition, Margaux Keller Collections . Un quotidien urbain, qu’elle a souhaité ponctuer de respi- rations libres et joyeuses. « Depuis quelques années, on cherchait un lieu qui puisse accueillir tous les souvenirs à venir de nos enfants, toutes les réun- ions familiales et amicales possibles et imaginables. Un lieu où se reconnecter à la nature, aussi », raconte-t-elle. Après avoir envisagé plusieurs régions de la côte méditerranéenne, Margaux et son mari finissent par se concentrer sur le Luberon, dont ils apprécient tout particulièrement l’authenticité préservée. « C’est un endroit qui a matché tout de suite avec nos valeurs, nos envies et nos goûts esthétiques. »


Il y a deux ans, ils trouvent ce mas provençal presque par hasard sur un site de très belles demeures où son allure traditionnelle détonne. La bâtisse fait partie d’un hameau de cultivateurs de lavande et servait autrefois à héberger les ouvriers et saisonniers agricoles. Margaux discerne d’emblée son potentiel. « La première fois qu’on l’a visitée, nous sommes arrivés par un petit chemin dans les lavandes en fleurs. C’était magique de la voir se dessiner au détour du virage, avec ses vieilles pierres et ses volets bleus typiques. »
Charme provençal et décalage poétique
Construite sur la roche à flanc de colline de manière ingénieuse par les anciens, la maison possède une isolation naturelle. Margaux décide d’emblée de conserver la répartition des pièces et de ne casser aucun mur.
L’espace est réparti sur trois niveaux, avec l’entrée (et son incroyable escalier en roche incrustée dans le mur), le salon d’été, la salle à manger et la cuisine au rez-de-chaussée. Le premier étage accueille le dortoir pour enfants, une chambre d’amis connectée au jardin, la salle de bains jaune et la suite parentale. Au second, deux chambres d’amis ont été aménagées, ainsi qu’une salle de bains et le salon d’hiver, reconnaissable à sa cheminée cernée de carreaux verts. Pour Margaux, cette maison est un lieu de vie destiné à créer du lien. Elle l’a d’ailleurs baptisée La Maïoun, un mot issu du dialecte provençal qui signifie à la fois “la maison” et “le maillon”. « Ce nom rend la maison encore plus attachante. Ça la personnifie, presque comme si elle était un membre de la famille ! » Naturellement, Margaux a appliqué sa vision du design à ce nouveau terrain de jeu. « La maison était comme une toile de fond avec du charme et de l’authenticité sur laquelle je suis venue créer des décalages. Je n’avais pas du tout envie d’une maison aseptisée, toute beige. C’est un lieu joyeux, qui me ressemble, où beaucoup de choses se mélangent pour que ça fonctionne et raconte une histoire. C’est le reflet de mon travail en espace à vivre ! », partage-t-elle. Les carreaux jaune pimpant de la salle à manger, fabriqués en Provence, se joignent par exemple aux vieilles pierres pour composer une pièce chaleureuse et confortable. « Cette voûte m’a hypnotisée dès le premier jour, j’ai tout de suite imaginé des carreaux jaunes à l’intérieur, comme un grand soleil », se souvient la designer.
Émotion sensible
Pour Margaux, il existe une dimension essentielle à̀ la conceptualisation d’un objet ou d’un espace : l’émotion. C’est ainsi qu’elle a pensé toute la maison, notamment grâce à la couleur. « C’est mon dada, et on s’est lâchés ici ! La maison est unique par ses associations de couleurs, une gamme que j’utilise beaucoup dans mon travail. » Vert romarin, bleu électrique, jaune solaire, rouge tomette… ces teintes incarnent une certaine élégance et résonnent avec des couleurs plus naturelles, typiquement provençales. Les peintures à la chaux dialoguent avec les ouvertures, qui soulignent délicatement leur effet poudré sur les murs. Partout, la décoration mêle avec audace et poésie les pièces issues des collections de Margaux, les objets chinés dans les brocantes du Luberon ou encore les
meubles hérités des grands-parents.


« Nous avons eu plaisir à les récupérer et à les faire cohabiter dans un souci de transmission. » La designer laisse libre cours à sa créativité en jouant sur les contrastes et les éléments forts, comme l’îlot central de la cuisine, pensé comme le cœur névralgique de la maison. Son rouge dominant est mis en lumière par des meubles blancs aux lignes classiques, eux-mêmes soulignés par des meubles hauts en bois foncé qui se distinguent par leurs poignées chics et graphiques, subtil décalage avec l’ensemble. C’est la pièce préférée de Margaux, là où tout le monde se rassemble. Dans le même esprit de convivialité, le dortoir pour enfants est conçu à partir d’un tronc central autour duquel tournent les lits, imbriqués astucieusement dans un esprit cabane de Peter Pan.
Et quand ce n’est pas la conception même de la pièce qui interpelle, ce sont les détails, à l’image de la frise pointillée en listel dans la chambre d’amis ou des plinthes avec une alternance de carreaux blancs et verts, empruntées à un souvenir d’enfance.
La vie douce au milieu de la lavande
En été, la famille vit au rythme de la nature. « Il fait très chaud ici en pleine journée, donc les journées commencent souvent de bonne heure avant qu’on ne se fasse déborder par le soleil, précise Margaux. Le rendez-vous du début des vacances, c’est le marché d’Apt, à cinq minutes de chez nous. C’est toujours un super moment. En rentrant, on pose tout sur le comptoir et on cuisine des farandoles de grandes salades, avec le vrai goût de la tomate et du melon ! » Après le déjeuner sous la tonnelle en osier, le début d’après-midi est calme pour tout le monde, entre sieste et lecture à l’abri de la chaleur. Puis vient l’heure de la piscine, que Margaux et son mari ont fait construire dans le jardin qui arbore désormais des accents méditer- ranéens. Avec ses volumes géométriques et son intérieur aussi blanc que l’extérieur, elle a été pensée de façon volontairement contemporaine. « Elle est complètement en décalage avec la maison. Je ne voulais pas refaire de l’authentique, alors autant aller à fond dans le moderne ! » Sur les matelas rayés au bord de la piscine, qui lui rappellent la maison de vacances de ses grands-parents dans le Var, Margaux passe du temps avec ses enfants à tresser des bonbonnes de lavande ou à fabriquer des colliers de perles. Le soir, le coucher de soleil vient illuminer la façade et le panorama, comme pour ajouter encore au charme irrésistible de La Maïoun.




_____
HOME MAGAZINE
Numéro 118 (juillet et aout 2025) – Extérieur joie • Célébrer l’été
7,50€
Disponible dans tous les kiosques et sur monmag.fr