Des champs d’oliviers, des chevaux dans le parc voisin et des murs en pierre sèche qui lui rappelaient son village de Corse. Voilà à peu près tout ce qui a séduit Inès Angelini lorsqu’elle a visité pour la première fois sa maison nichée au cœur de l’arrière-pays cannois. « Au début, je ne voyais pas comment l’appréhender. Tout était daté : les murs en crépi jaune, les poutres vertes… Mon mari m’a encouragée à me centrer sur l’extérieur. La vue sur le village de Mougins est vraiment magnifique et c’est ce qui m’a décidée. »
Authenticité méditerranéenne
À son arrivée en 2019, le couple entreprend de premiers travaux dans la pièce de vie pour accueillir au mieux leur premier enfant qui arrive bientôt. Les cloisons s’effacent pour faire circuler l’espace, la chaux revêt les murs et le parquet réchauffe le sol.


« On avait envie de retrouver l’esprit d’une finca, pleine de charme et de lumière. Quand je rentre chez moi, j’ai l’impression d’être en vacances ! », observe Inès. De la même manière, le couple ajoute un peu partout des
niches maçonnées où disposer tous les livres et poteries à mettre en valeur. La cuisine est transformée grâce au mobilier bâti qui s’articule autour du piano de cuisson, véritable pièce phare de la pièce, et aux multiples créations artisanales en bois ou en terre qui ornent les alcôves. La décoration se décline dans une palette harmonieuse : vert, marron, gris, roux, blanc… Des teintes naturelles qui font écho à celles des créations d’Inès. « L’esthétique de mon travail reflète ma décoration . Un esprit wabi-sabi avec des accents méridionaux et de la chaleur… J’aime l’idée que mon intérieur soit le mien et pas le duplicata d’un magazine. »
Pour cela, Inès chine beaucoup, y compris des céramiques qu’elle mélange avec joie aux siennes. Elle a également conservé certains éléments d’origine, comme la crédence de la cuisine d’été ainsi que les carreaux en terre cuite au sol. « C’est important pour moi et assez instinctif. Dès qu’il y avait du beau dans l’ancien, je l’ai gardé. »
La naissance d’une passion
Parallèlement à la rénovation de la maison, Inès vit un profond boule- versement intérieur. À l’époque, elle est juriste à Monaco et le rythme est intense. « C’était une période compliquée, avec une fin de grossesse alitée puis un post-partum difficile, ce qui m’a amenée à une vraie remise en question. Après la naissance de Lila, j’ai ressenti le besoin de transformer ma manière de vivre, de renouer avec les valeurs qui me tenaient à cœur : le respect de la matière, du temps et des objets qui m’entourent. » Pour se changer les idées, Inès s’inscrit alors aux cours de poterie de son village. « Au bout de deux heures de cours, je ne pensais plus à rien. Ça m’a fait un bien fou. » Puis tout s’enchaîne. Pour ses 30 ans, sa famille se cotise pour lui offrir du matériel de céramique, dont un four immense.

Le lendemain, le confinement est annoncé. « J’ai adoré cette période. Pour moi, ça a été comme une renaissance. J’ai pu passer du temps de qualité avec mon bébé sans être seule, et tous les après-midi je faisais de la céramique. » Inès apprend en auto- didacte grâce à différentes méthodes qu’elle découvre dans des livres. Elle teste aussi d’autres terres et rencontre le grès. « La révélation ! C’est cette terre qui m’a permis de trouver mon style. J’aime son côté rugueux et son aspect final, très méditerranéen. » Petit à petit, elle partage ses réalisations sur Instagram, comme les assiettes modelées à la main pour son mariage ou le vase qu’elle réalise pour son grand-père adoré, avec des maillons de chaîne de bateau en clin d’œil à leur passion commune pour la mer Méditerranée. Jusqu’au jour où elle comprend qu’elle va pouvoir en faire son métier. Elle se met alors à chercher un nom de marque pour présenter ses créations, sans avoir à se dévoiler totalement. « J’avais encore besoin de me cacher, sourit-elle. Umami est un mot japonais qui évoque la cinquième saveur, souvent traduit par “savoureux”. Mais au-delà de cette définition, c’est aussi une expéri- ence sensorielle unique, semblable à la madeleine de Proust, propre à chacun. Ce nom m’a tout de suite plu parce que je veux créer des objets qui durent. Des objets aimés et transmis, qui traversent le temps et les générations. »
Le lien comme essence
À travers son travail, Inès célèbre la beauté de l’imperfection et la générosité du Sud. Elle rend aussi hommage à la puissance du lien, avec la symbolique de la chaîne en signature. « Je crois que si les choses marchent pour moi, c’est parce que je suis bien entourée ; par mon mari qui a toujours cru en moi, mes amies talentueuses qui me portent vers de précieuses collaborations, ma mère qui brode avec poésie tous les textiles pour Umami… » À l’image de ce rapport aux autres qu’elle chérit, sa maison lui permet de faire fusionner les pans essentiels de sa vie. Le premier étage, qui se déploie sur 120 mètres carrés, est réservé à sa famille. C’est là qu’elle vit aux côtés de son mari, Marvin, et de leurs deux petites filles, Lila, 6 ans, et Pia, 3 ans. C’est aussi là qu’elle reçoit avec bonheur ses proches.


« Ça fait partie de notre vie dans le Sud. J’adore cuisiner et je passe beaucoup de temps à essayer de faire les choses bien : une belle tablée, des bons produits… » Le rez-de-chaussée est quant à lui réservé à son activité de céramiste. Après avoir longtemps façonné la terre dans une petite cabane au fond du jardin, elle occupe désormais cet espace bienvenu pour créer et transmettre son savoir- faire lors d’ateliers. « Ce qui me fascine dans la céramique, c’est le lien intime avec la terre. Un médium à la fois simple et exigeant, qui ne trompe pas. Il ouvre un champ des possibles infini, idéal pour exprimer ma créativité. La terre me permet d’exprimer des sentiments et des émotions pour lesquels il n’existe aucun mot. » À part peut-être celui d’Umami.




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