La Nouvelle Table : rencontre avec les fondateurs de La Trésorerie à l’occasion de la sortie de leur premier livre

Rencontre avec les fondateurs du concept-store Trésorerie à Paris, auteurs de La Nouvelle Table, un beau livre sur l’art de recevoir.

Par Mélanie Vassart Photographies : Fred Lucano

À la tête de l’emblématique boutique La Trésorerie depuis dix ans, Elsa Coustals, Denis Geffrault et Lino Landau dévoilent La Nouvelle Table, un ouvrage inspirant qui repense l’art de recevoir. Ce livre mêle recettes savoureuses, inspirations déco et guide du beau et de l’utile pour redonner à la table sa place centrale dans notre quotidien. Plus qu’un simple support, elle devient un tableau où cuisine et créativité s’entrelacent pour créer des moments de partage authentiques et conviviaux. Le trio nous invite à “faire table” comme on “fait à manger”, avec audace et sensibilité. À mi-chemin entre tradition et modernité, cette vision fait écho à une France où manger demeure un art de vivre essentiel.

L’art de recevoir en France est souvent perçu comme sophistiqué et codifié. Est-ce vraiment le cas ?
Il y a une constante en France, contrairement à d’autres cultures qui le vivent autrement, c’est que le repas est un moment important durant lequel on va bien manger et passer du temps ensemble. Mais il a évolué sur certains points, notamment le lien entre la cuisine et le moment où l’on mange. On amène par exemple la cocotte à table, ou on dispose les toppings dans des petits contenants et chacun va pouvoir agrémenter son plat à sa manière. On s’affranchit également des codes de dressage. Si, spontanément, on place le couteau à droite et la fourchette à gauche, on peut aussi positionner les deux sur l’assiette, comme dans certains bistrots. Sans oublier qu’aujourd’hui, nous ne sommes pas toujours attablés dans une salle à manger, et que la cuisine comme le salon deviennent de nouveaux lieux pour “faire table”.

Quels sont les nouveaux codes que vous aimez le plus ?
L’idée du repas apéro-dînette pris au salon, ou bien le buffet où chacun se sert, offre une certaine liberté ; dans le choix de ce que l’on mange, dans le déplacement, mais aussi dans le fait de ne pas avoir de place attitrée. La table déstructurée ajoute quelque chose de spécial au moment. Ce que nous préconisons, c’est de varier les lieux : on commence l’apéro à un endroit, puis on va se mettre à table et on finit par prendre le dessert autour du feu, s’il y a une cheminée. De cette façon les voisins de table changent, les discussions aussi, créant une dynamique nouvelle et enrichissante.

Comment maintenir l’élégance à la française tout en adoptant des pratiques plus modernes et décontractées ?
Il faut sortir du côté classique et ostentatoire. La table élégante d’aujourd’hui est plus simple, plus quotidienne, plus abordable. C’est ce qu’on a aussi essayé de mettre en avant dans le livre avec des dressages dépareillés, mais qui ont toujours du sens. L’élégance va être d’associer deux- trois couleurs qui vont bien se répondre, et pas plus. Les recettes doivent aussi être mises en valeur ; il faut donc privilégier des assiettes humbles, pour ne pas mettre le contenu et le contenant en concurrence. Troisième point : jouer avec les matières. Bois, céramique et bien sûr textile créent une harmonie particulière. Less is more, c’est le secret.

Comment donner aux repas ordinaires un peu plus de magie ?
Manger, ce n’est pas du tout un acte anodin. Même si on est seul ou que l’on s’est fait livrer, c’est le moment que l’on s’offre pour faire une pause. On met évidemment de côté tous les emballages afin de mettre en beauté la nourriture dans de jolis contenants. On les associe sur une table et tout à coup, ça devient un repas dont on a envie, un vrai festin. Si on cuisine chez soi, même trois fois rien, on peut toujours faire un effort avec le dressage en finalisant le plat avec du poivre, des herbes coupées, des épices…

Dans le livre, vous suivez évidemment les saisons. Comment garder une certaine intemporalité et éviter les effets de mode ?
Avec La Trésorerie, nous nous inscrivons vraiment dans cette notion d’intemporalité. C’est surtout ce que l’on met dans l’assiette plus que les contenants qui change au fil des saisons. On aime aussi renouveler un peu l’ambiance avec le textile, nappes ou serviettes que l’on peut nouer de différentes façons. Mais le véritable changement à table, il s’opère avec l’utilisation d’éléments glanés dans la nature, comme des feuilles de fougère en automne, des branchages en hiver, des fleurs des champs au printemps ou encore une tige de romarin en été. Tel un tableau, on compose avec ce que l’on a sous la main et on rend ainsi la table plus vivante.

Pensez-vous que la table d’aujourd’hui tend à être plus responsable et écologique ?
Il faut que les objets qu’on acquiert soient vraiment utiles ; mais pas seulement ! Leur provenance et leurs conditions de fabrication sont aussi essentielles. Lorsque nous avons ouvert La Trésorerie, nous avons établi trois critères de sélection très clairs : des beaux matériaux, naturels et facilement renouvelables, la question géographique – 90 % de nos produits viennent d’Europe –, et enfin, un critère concernant les fabricants qui doivent posséder leur outil de production. Cela nous permet de savoir avec qui nous travaillons vraiment.

Selon vous, la convivialité a-t-elle remplacé la formalité ?
Aujourd’hui, on déformalise, on s’approprie, on invente. Nous sommes plus créatifs, et cela apporte incontestablement plus d’âme et de convivialité à table.