Rencontre : Jeanne et Sonia de Four, le studio créatif food et art de la table

À mi-chemin entre design et artisanat, Jeanne Viviès et Sonia Oet ont donné naissance à Four, un service d’art de la table qui offre aux dîners une expérience sensorielle et esthétique inédite. Leurs pièces, sculpturales et singulières, sont dessinées à deux avant d’être façonnées à la main par Sonia, dans son atelier en région parisienne. Des créations qui jouent sur les volumes, s’élevant bien au-delà de l’horizontalité traditionnelle.

Par Mélanie Vassart - Photographies : Margaux Senlis

Pouvez-vous me raconter votre rencontre et la naissance de Four ?
Nous nous sommes rencontrées à Amsterdam dans une école d’art, mais c’est à Bruxelles que nous nous sommes rendu compte de notre passion commune pour l’art de recevoir. Nous passions des journées entières à préparer nos plats et à soigner la présentation de nos tables. Alors quand Sonia a monté son atelier de céramique, nous avons imaginé des pièces uniques et expé- rimentales pour donner encore plus de relief à nos dîners, et les proposer à des événements pour lesquels nous avions carte blanche. Maintenant nous sommes à Paris, et consacrons 100 % de notre temps à Four.

Est-ce la nourriture qui inspire vos créations ou l’inverse ?
Nous abordons les aliments selon leur forme plutôt que leur goût. La nour- riture est comme une pâte à modeler que nous traitons de la même manière que la céramique. Par exemple, pour les œufs mimosas, ce qui nous intéressait, c’était leur forme arrondie, le fait de pouvoir les présenter dans une tour. On se nourrit d’abord d’inspirations esthétiques, avant de réfléchir à une céramique pour les mettre en scène.

En quoi vos créations redéfinissent-elles l’art du dressage de table ?
Il y a quelques semaines, nous avons loué des pièces pour un buffet et le retour qu’on a eu, c’est que les chefs étaient très contents de pouvoir disposer leurs bouchées sur des formes qui changent. Ça les met bien plus en valeur qu’une simple planche en bois, et ça ajoute une dimension encore plus fun à leur travail. La table en carreaux de céramique, que nous avons créée lors de notre résidence à la Cerámica Suro au Mexique, en est le parfait exemple. Avec ses reliefs, ses creux, ses présentoirs, c’est un véritable terrain de jeu créatif.

Pensez-vous que les codes de la table d’autrefois sont en train de disparaître ?
Au contraire, on a plutôt l’impression qu’ils ne disparaîtront jamais, et c’est d’ailleurs notre première source d’inspiration. On ne cherche pas à les effacer, mais plutôt à les observer, à voir comment les réinventer. À l’époque, il y avait beaucoup d’assiettes à huîtres, à citrons, à artichauts, des présentoirs à œufs. On adore l’idée de les moderniser à travers notre vision.

Dans vos créations, où situez- vous la frontière entre l’art et la fonctionnalité ?
Nous avons une gamme plutôt tradi- tionnelle de vaisselle de tous les jours, faite à la main, purement fonctionnelle. Mais nous avons aussi imaginé une ligne plus sculpturale pour les buffets, les moments de partage. Lors d’un événement, le côté « wahou » est très important. C’est pourquoi nous aimonsbeaucoupjouersurdespièces creusées, avec différents niveaux. Il ne faut pas oublier que la nourriture est souvent avalée très rapidement, et pour les organisateurs, c’est un gros stress de devoir remplir les contenants pour éviter « l’effet miettes ». Ce qui est chouette avec nos céramiques, c’est que même vide, la table reste belle à voir.

Comment vos créations changent- elles les interactions entre les convives et avec la nourriture ?
Cela crée pas mal d’effets de surprise. Les formes des céramiques se révèlent au fur et à mesure que la nourriture qui s’y trouve est dégustée, ce qui fait parler les convives entre eux. Lors d’une expo- sition à Bruxelles, nous avons utilisé une technique qui existe depuis la nuit des temps : envelopper dans de l’argile des aliments, ici des pommes de terre, avant de les cuire au feu. Ensuite, les visiteurs étaient invités à briser la croûte d’argile à l’aide de petits marteaux. C’est super de donner un contexte à la nourriture et de trouver de nouveaux outils pour interagir avec.

Vous proposez également une collection à la vente ce printemps ? Oui, c’est la première fois que nous imaginons une gamme destinée à la vente plutôt qu’à la location. Elle est produite chez nos partenaires Ateliers Beldine, qui nous ont accueillies en résidence il y a deux ans au Maroc. Nous avons dessiné la collection avec eux en novembre dernier, et l’avons appelée Recto Verso. L’idée, c’est que tout soit réversible, à l’exception d’une pièce : une carafe. C’est une collection fonctionnelle, il n’y a pas que des pièces sculpturales, mais elles peuvent toutes prendre du relief, soit en les empilant, soit en les retournant.

Qu’est-ce qui rend une table inoubliable à vos yeux ?
Ce qui nous intéresse le plus et que nos pièces facilitent, ce sont les échanges qui se font autour de la table. Que ce soient les carreaux du Mexique, les pommes de terre à décortiquer ensemble ou la tour à œufs, nous proposons des expériences qui donnent une excuse pour parler à son voisin. Plus qu’un simple repas, c’est une ouverture à de nouvelles discussions et rencontres.

@foooouuuur.com

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