Dans la cuisine parisienne d’Angèle Ferreux-Maeght, cheffe et naturopathe

Vivante, réconfortante et profondément humaine, la cuisine d’Angèle Ferreux-Maeght prend autant soin de nos corps que de notre planète. Une vision consciente mais aussi très joyeuse de l’alimentation, que la cheffe et naturopathe transmet depuis une dizaine d’années. Rencontre.

Par Marie Mersier - Photographies : Julia Velázquez Charro

Quels goûts ont les souvenirs de ton enfance ?
Du roquefort avec du beurre sur une tranche de pain grillé, des huîtres, des carottes avec un vrai goût juteux et sucré, le bœuf bourguignon de mon père dans lequel je glissais un carré de chocolat noir à 90 %, ou la badiane que j’ajoutais dans sa poule au pot. C’étaient nos petits secrets à nous. Avec mes deux frères, nous avons grandi entre Paris et la ferme familiale près de Grasse, entourés de beaucoup de joie et assez peu de règles, à part être au lit à 19 heures pétantes et manger de bons produits ! Dès mon enfance, j’ai eu un lien très fort avec la nature et ses saisons.

En 2013, tu as créé ton service traiteur bio La Guinguette d’Angèle ; comment a commencé ton parcours dans la cuisine ?
Il a commencé par une pause de nourriture, lors d’un stage de jeûne chez la naturopathe Céleste Candido. Alors étudiante en médecine, je dormais peu, je m’alimentais mal, bref, je n’étais pas très en forme ; cette expérience de jeûne a été comme une épiphanie qui m’a reconnectée à mon corps et au langage de mon enfance, celui de la nature, des plantes, etc. J’adorais cuisiner et j’étais passionnée par l’impact de l’alimentation sur la santé. J’ai donc arrêté mes études pour apprendre et travailler auprès de Céleste. Le cru, le sans gluten, l’alimentation vivante, créer un menu varié avec juste des carottes : c’est un univers hyper-créatif et stimulant qui s’ouvrait à moi. Ensuite, tout a pris forme au fil de mes rencontres et de mes études en naturopathie au CENATHO.

Lors de notre première rencontre il y a dix ans, tu ouvrais ton premier comptoir rue Coquillère à Paris ; tu viens d’inaugurer une nouvelle adresse, peux-tu nous en dire un peu plus ?
En septembre, La Guinguette a ouvert un comptoir à La Grande Épicerie de Paris, et pour la première fois, il est possible de venir goûter nos plats du matin au soir. Il y a notamment nos nouvelles boissons pleines de bienfaits : chai latte au reishi, matcha latte avec collagène, les classiques lunchboxes riches en superaliments à emporter, nos cookies dont le petit dernier sésame- miso et le soir, pour le dîner, le corner fonctionne comme un traiteur en proposant des parts de gratin végétarien, des courges farcies…

Angèle_Table_ (20)

Ce nouvel espace reste fidèle à ma philosophie, celle de proposer une cuisine gourmande, joyeuse, saine et de saison à base de produits au sourcing irréprochable : par exemple, tous nos légumes proviennent d’Île-de-France via un organisme qui nous envoie des légumes refoulés parce que considérés comme trop “moches”. Dans la même optique antigaspillage, le dernier livre que j’ai écrit aux éditions Marabout (Ma Cuisine végétarienne) est un abécédaire qui propose trois à six recettes pour chaque fruit et légume (même ceux dont on ne sait pas trop quoi faire lorsque l’on commande un panier local grâce aux Amap).

Plein de projets, trois enfants… c’est quoi, ton secret ?
À un moment, je me suis vraiment retrouvée sous l’eau, et je me suis dit : « OK, tu es tellement débordée que désormais tu vas prendre du temps pour toi. » J’ai donc pour principe de m’octroyer tous les jours une heure rien que pour moi. Résultat, je suis beaucoup plus efficace lorsque je travaille, car je suis bien plus présente. J’ai une équipe de 20 personnes et c’est important pour moi de transmettre qu’il n’est pas nécessaire de se laisser submerger par le travail pour bien faire. C’est un cercle vertueux : à travers ce que nous créons avec La Guinguette, on s’engage à respecter au maximum la terre et la santé, et c’est primordial de respecter aussi l’humain. Cela passe également par la joie. Je travaille sérieusement à cultiver ma joie, car je crois que c’est notre essence d’être humain : ressentir et partager de la joie.

Comment transmets-tu ton amour de la cuisine à tes enfants ?
Justement par la joie, car avec les enfants, tout est un jeu. Ils cuisinent beaucoup avec moi, ils cassent les œufs un peu n’importe comment mais on s’en fiche, on rigole, et ils apprennent même des gestes un peu délicats comme utiliser un couteau et des ciseaux. Il y a aussi toujours des graines qui germent dans la cuisine, pour qu’ils puissent observer et avoir conscience que la nature a son propre rythme.

Imagine le dîner de tes rêves : tu invites qui et tu cuisines quoi ?
J’invite mon mec, ma grand-mère, Dalí pour qu’il nous fasse rire, Dalida pour chanter, et Miró car j’aime les artistes qui gardent une âme d’enfant. J’invite aussi le juge Édouard Durand car il œuvre totalement pour la lutte contre les violences faites aux enfants, Amma pour qu’elle nous prenne dans ses bras, mon amie Maud Zilnyk pour son engagement écologique (on jouerait d’ailleurs au jeu qu’elle a inventé, Le Crapaud doré, et puis Marie Mersier, car merci ! À table, ça serait un festin de la cuisine saine avec du “beet bourguignon”, soit la recette de mon père que j’ai revisitée grâce aux betteraves, une soupe rustique de grand-mère, des chips de chou kale, des huiles de colza, lin et chanvre, des graines germées et des pickles à n’en plus finir, des galettes de sarrasin car c’est une des choses que je préfère sur Terre, du chocolat chaud de chez Plaq et une crème à base de cacao cru et d’avocats qui poussent en Corse, le tout parsemé de pollen frais. Dans les verres, du jus de céleri à l’infini !

_____