Artisanat : Julie Beudin, coutelière derrière Omma

Dans son atelier en Touraine, Julie Beudin imagine et façonne des couteaux de poche, de table ou de cuisine. Rencontre avec une coutelière qui jongle avec passion entre artisanat et cuisine.

Par Noémie Malaize - Photographies : Marine Burucoa

Tu n’as pas toujours été coutelière. Comment est née ta passion des couteaux ?

J’ai toujours adoré créer des choses avec mes mains, notamment des objets utilitaires. J’ai fait de la céramique, du tricot, de la couture… Je suis fascinée par la transformation de la matière et quand j’ai décidé de changer de voie, c’était soit les couteaux, soit la céramique – deux métiers manuels ayant une forte dimension artistique ! J’avais besoin de créer quelque chose dont on pourrait se servir tous les jours et je voulais que ça reste autour de la cuisine et de l’art de la table. Et puis un jour, en visitant par hasard un atelier de coutellerie, j’ai su que c’était exactement ça que je voulais faire.

L’artisanat a-t-il toujours fait partie de ta vie ?

Bien avant de faire des couteaux, c’était déjà important pour moi de m’entourer de beaux objets, qui portent une histoire. Depuis mon adolescence, je suis fascinée par le processus de création, autant que par les objets eux-mêmes. On prend soin d’un objet et on le chérit, pas parce qu’il est plus cher, mais parce qu’il a été créé par quelqu’un que l’on connaît ou que l’on peut identifier.

Tu crées chaque couteau à la main, dans ton garage transformé en atelier. Quelles sont les grandes étapes de fabrication ?

Jforme que j’ai en tête. S’il s’agit d’un tout nouveau modèle, je vais passer par une maquette en carton pour me rendre compte des proportions et de l’ergonomie du couteau. Puis je m’attaque à la matière, en commençant par le métal. Je dessine ma forme sur une grande planche de métal, je la détoure grossièrement avec une disqueuse, puis plus proprement avec une sorte de grosse ponceuse, jusqu’à obtenir la forme finale. Ensuite, je perce le métal et je nettoie sa surface pour enlever les rayures et les éclats. Après, c’est la trempe. Je monte le métal à très haute température pour gagner en dureté, puis je le détends dans un four traditionnel afin qu’il retrouve une certaine souplesse. Enfin, je m’occupe du manche. Je choisis le bois, je le découpe en plaquettes, je le mets aux bonnes dimensions et parfois même, je le texture.

Quel plaisir prends-tu à travailler ces matériaux ?

En fabriquant des couteaux, j’ai la chance de travailler et d’assembler deux matériaux à la fois ! Je trouve ça incroyable de partir d’un simple morceau de métal et d’un bout de bois qui ne paye pas de mine, pour aboutir à un résultat très différent en fonction de la manière dont je vais les travailler. Pour la lame, j’utilise de l’inox ou du carbone, et pour le manche, différentes essences de bois : olivier, noyer, chêne… J’ai aussi fabriqué des couteaux de table en fibre de verre et des couteaux pliants en papier compressé. J’aime repousser les limites de l’objet en utilisant des matières inattendues. Par exemple, que pourrait donner un manche en céramique ? En plus d’obtenir un rendu complètement différent, je serais obligée d’adapter ma technique au matériau. Cette partie de recherche et développement m’anime énormément.

Dirais-tu que tes couteaux sont d’inspiration japonaise ?

Je n’ai pas la prétention d’affirmer que j’ai réinventé le couteau. Je fais des formes qui existent ou qui vont ressembler, pour les couteaux de cuisine, à des santoku [NDLR : un couteau polyvalent d’origine japonaise, conçu pour hacher, trancher et émincer]. Mais je ne travaille pas de manière traditionnelle, car je ne suis pas Japonaise et je n’ai pas appris ces techniques-là. Je me réserve la liberté de faire un santoku un peu différent, pas par esprit de rébellion, mais simplement parce que je suis davantage guidée par des formes ou des techniques qui me plaisent.

Quel est ton couteau préféré ?

Mes couteaux sont globalement très polyvalents. Ils vont permettre de découper efficacement des légumes, de la viande ou du poisson. Pour le choix, c’est plus une question d’esthétisme et de prise en main. Comme j’aime les modèles relativement petits et très maniables, j’ai une préférence pour le couteau de chef Nalmada dès qu’il s’agit de grosses découpes, pour un pot-au-feu par exemple. Mais pour peler un oignon ou découper une poire, je vais plutôtutiliser le couteau d’office Yolisa, avec une lame pas très haute et une petite pointe très précise.

Tu fabriques même des couteaux pour enfants !

Ce sont des petits couteaux de cuisine ou de table en forme d’animaux : croco, rhino et poisson. Ils sont tout aussi tranchants que ceux pour adultes, car je les affûte. Je sais que cela paraît contre- intuitif, mais c’est quand on commence à mettre de la force avec une lame qui est à moitié ronde que l’on se blesse.

Quel sera le prochain couteau à voir le jour ?

Je pense presque tous mes couteaux autour d’un contexte ou d’une recette. Le couteau pliant, par exemple : j’avais envie de pouvoir l’emmener en rando, pour découper une pomme ou un petit truc plus élaboré en pique-nique. Pour l’instant, il n’existe qu’avec un manche en fibre de verre ou papier compressé, parce que c’était important pour moi qu’il puisse aller sous l’eau ou s’oublier sans crainte dans la poche d’un sac. Mais pour les beaux jours et la reprise des activités en extérieur, j’aimerais bien inventer un nouveau couteau de poche sympa, avec un manche en bois cette fois-ci !

@omma_coutellerie

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