Baptiste Lanne, les essences de l’art

Designer érudit, féru de littérature et de photographie, cet artiste plasticien, originaire de Normandie, a quitté Paris et ses studios prestigieux pour un atelier du Sud-Ouest, où il sculpte des pièces uniques dans du bois sourcé localement… Engagé, cet amoureux de la nature milite pour un design durable et
une consommation raisonnée.

Par Céline de Almeida

Qu’est-ce qui vous a poussé à quitter le design industriel pour ouvrir votre propre studio, et vous tourner vers une fabrication à petite échelle ?
Il y a quelques années, j’ai ressenti le besoin d’instaurer une distance par rapport au travail sur écran au profit d’un processus créatif plus concret. J’ai voulu renouer avec une certaine liberté de l’enfance, utiliser des outils simples, gouge, maillet, pastels, et des matériaux naturels, bois, terre, papier.

En tant que designer, avez-vous une responsabilité environnementale ?
ll nous faut sortir de l’impasse dans laquelle nous ont conduits la production et la consommation à outrance. J’envisage mon travail comme l’un des nombreux chemins possibles pour y parvenir. Chaque pièce représente plusieurs jours de travail. Je m’attache cependant à ce que leur prix soit juste. Mais je reste convaincu qu’il nous faut reconsidérer la valeur des choses. La vague d’objets produits aux quatre coins du monde, par une main-d’œuvre sous-payée, a instauré un déséquilibre qu’il nous faut réajuster en questionnant le sens de tout ce qui nous entoure.

Vous êtes aujourd’hui installé à Biarritz… Quelle influence cela a-t-il sur votre travail ?
Mon atelier se trouve au sein d’anciennes serres horticoles réhabilitées. Nous sommes une vingtaine d’artistes à disposer chacun d’un espace. Plasticiens, peintres, illustrateurs, sculpteurs, céramistes…, nous montons régulièrement des expositions autour de thèmes choisis ensemble. Ces événements nous amènent à expérimenter, à confronter nos idées, et participent à la vie culturelle de la Côte basque.

Comment définir votre style ?
Mes pièces résultent d’une envie de faire la part belle au travail de la main. Le contraste entre les surfaces lisses et celles travaillées à la gouge me permet cette mise en valeur. Il constitue le caractère commun aux formes organiques, naïves et poétiques que j’imagine. C’est un langage à part entière me permettant de valoriser la singularité de chaque pièce, par le jeu des textures, la lumière elle-même.

Quels sont vos matériaux de prédilection ?
Je considère le bois comme un matériau supérieur, empreint de poésie. C’est aussi un matériau durable qui requiert un soin particulier. Je finis chacune de mes pièces par l’application d’une couche de cire d’abeille naturelle qui nécessitera d’être renouvelée de temps à autre par les personnes qui les acquièrent. L’attention que nous portons aux objets du quotidien est une réponse à l’obsolescence, l’une des conditions d’un monde pérenne.

Quelle est la pièce dont vous êtes le plus fier et pourquoi ?
Je suis attaché à chacune des pièces que je réalise, elles sont l’aboutissement d’heures de recherche, de doutes, de travail. Mais je crois que ce qui me les fait aimer plus que tout, ce sont les regards intrigués des enfants qui les découvrent pour la première fois. C’est particulièrement vrai pour les sculptures et les dessins. L’interprétation qu’ils font des formes ou des textures que je crée est souvent inattendue, voire drôle, mais toujours tellement pertinente.

Vous semblez avoir une attirance particulière pour les luminaires… C’est une manière de mettre en lumière votre travail ?
Les luminaires sont effectivement une typologie d’objet que j’affectionne particulièrement. J’ai toujours prêté attention à la façon dont les musées, les restaurants, les jardins que je découvre sont éclairés. La présence d’une source lumineuse rassure, enveloppe, réchauffe un espace. Je monte toutes mes lampes avec un interrupteur et une ampoule à LED dimmable, ce qui permet de moduler l’intensité lumineuse à sa guise, en fonction de l’environnement, de l’heure de la journée, de l’ambiance que l’on souhaite créer.

Où puisez-vous votre inspiration ?
Plan d’eau ridé par le vent, peaux animales, écailles, écorces, roches, branches, feuilles mortes, carapaces, coquillages percés… La nature est sans aucun doute ma première source d’inspiration. J’imagine d’ailleurs certaines de mes pièces comme autant d’autels pour les trésors que je trouve en chemin. Faire entrer la nature dans nos espaces de vie est l’une de mes obsessions. La richesse des cultures internationales est également une source d’inspiration incroyable. Un voyage au Japon a été déterminant. J’y ai rencontré de nombreux artisans, rapporté quelques outils bien spécifiques, et pris la décision de m’investir pleinement dans ce travail.

Quels est les artistes et designers qui vous inspirent ?
Les travaux de Barbara Hepworth, Charlotte Perriand, Jean Arp ou Thaddeus Mosley sont fascinants. Leurs œuvres ont le pouvoir de transformer l’atmosphère des espaces dans lesquels elles se trouvent. Ils ont créé des formes qui convoquent l’imaginaire et élèvent l’esprit.

Enfin, quels sont vos projets ?
Différents projets d’exposition devraient avoir lieu au cours de l’année. Par ailleurs, une amie vient de créer une école alternative dans les Landes, je vais y intervenir pour faire découvrir le travail du bois aux élèves.

baptistelanne.com