LRNCE, inspirée par le désert

Depuis Marrakech, elle dépoussière les codes de l’artisanat traditionnel marocain. À tout juste 28 printemps, Laurence Leenaert incarne le nouveau visage de la déco ethnique. Rencontre avec une girlboss à la rafraîchissante créativité.

Par Pauline Blanchard

LRNCE, comme une signature à demi effacée, dont le vent chaud du désert aurait fait disparaître presque toutes les voyelles du prénom de sa créatrice, Laurence. Au creux des tapis qui volent, emportés par ce siroco brûlant, les motifs néo-ethniques imaginés par Laurence Leenaert se perdent dans les dédales du rose crayeux de Marrakech à la tombée du jour. Des objets nés de la rencontre des savoir-faire ancestraux des artisans marocains conjugués aux traits colorés hypnotiques esquissés par les mains de Laurence.

Après avoir étudié la mode à l’Académie royale des Beaux-Arts de Gand en Belgique, d’où elle est originaire, Laurence Leenaert, tout juste 28 ans, a créé en l’espace de quelques années une marque à l’aura contemporaine et aux dessins ultradésirables. Sous une chevelure brune et un front décidé se cache une jeune femme volontaire aux inspirations multiculturelles, emportée par les deux versants de la Méditerranée. Une créatrice aventurière inspirée par le désert qui n’a pas peur d’oser et de dépoussiérer les codes. Rencontre.

Suivant votre instinct, vous avez décidé de quitter la Belgique, votre pays d’origine, pour vous installer à Marrakech afin d’y baser LRNCE. Qu’est-ce qui vous a poussée à entreprendre ce pari risqué ?

Laurence Leenaert : Accompagnée de ma sœur, j’ai fait il y a quelques années un voyage au cœur du désert. Après cette initiation, je n’avais plus qu’une idée en tête : y retourner. Je suis repartie là-bas ma machine à coudre sous le bras et j’y suis restée pendant un mois pour travailler sur de nouveaux designs. Une fois revenue en Belgique, j’ai réalisé que je ne pouvais plus y vivre. J’ai donc vendu tout ce que je possédais, envoyé 100 kg de matières premières sur place et j’ai quitté la Belgique pour de bon. Au début, je souhaitais m’installer dans le désert, mais ce n’était pas réaliste de commencer ce projet au milieu de nulle part. J’ai donc opté pour Marrakech. Mes débuts ont été compliqués : la culture marocaine est très différente de la mienne et je n’avais pas un sou en poche ; je dépendais entièrement des ventes de mon site web. Chaque fois que je recevais une commande, je retenais ma respiration et je repoussais mon départ d’une semaine ! J’ai fini par rencontrer les bonnes personnes et tout s’est enclenché… En résumé, je souhaitais partir, je ne me suis pas torturée avec les comment et les quoi, j’ai simplement pris mes valises et j’ai traversé la Méditerranée !

Vous réinterprétez l’artisan traditionnel marocain en lui offrant un nouveau visage contemporain. Pouvez-vous nous dire comment ce mélange des styles s’est-il imposé à vous ?

Je suis très inspirée par mon passé, par tout ce que j’ai pu voir et apprendre, mais également par ma vie ici à Marrakech ; toutes ces inspirations se conjuguent, fusionnent et s’assemblent. Aussi, j’admire beaucoup la patience et l’amour des artisans marocains, avec qui j’aime travailler d’une façon spontanée.

Vous créez des tapis brodés, des coussins, des céramiques mais aussi des kimonos et des chaussures. D’où vous vient cette envie de proposer à la fois des objets de mode et de design ?

Paradoxalement, même si j’ai été formée dans cet univers, je ne me suis jamais sentie très proche de l’univers de la mode, mais davantage de celui de la sculpture, des objets, du dessin et du graphisme. Comme je m’ennuie facilement, je n’ai pas pu me contenter de créer seulement des vêtements ou des sacs. Au final, je pense que toutes mes inspirations mode et design se mêlent et se nourrissent les unes les autres. Ces derniers temps, je peins énormément, je fais beaucoup d’études graphiques pour les tapis et les couvertures, et cela me stimule beaucoup pour repenser et réinterpréter d’autres catégories de produits.

Comment imaginez-vous les motifs qui apparaissent sur vos créations ? D’où vous vient l’inspiration pourdessiner ces motifs qui forment désormais une signature distincte du style LRNCE ?

Ces inspirations, ce sont le miroir de ma vie quotidienne à Marrakech : les détails, les couleurs, les gens, les objets. C’est tellement différent de la Belgique ! Mais ça ne se résume pas seulement à cela, c’est aussi tout ce que j’ai appris et découvert en Belgique, le monde de l’art et des peintres qui influencent mon travail. C’est un mélange entre ces deux mondes, une combinaison de mon passé là-bas et de mon futur ici à Marrakech avec les graphismes, l’artisanat et la culture dont je m’abreuve chaque jour. J’aime autant que possible privilégier le contact humain dans mon travail. Quand j’écoute parler les Marocains, j’essaie d’absorber autant de détails que possible pour extraire l’essence de leurs origines : c’est aussi cette richesse des histoires qui m’inspire et me nourrit.

Quelle relation avez-vous avec les artisans de Marrakech ?

J’aime énormément travailler avec les artisans locaux et cela a une immense influence sur mon travail ! Ils ont dans les mains un immense puits de savoirs et souhaitent me les transmettre, ce qui me rend pleine de gratitude. Aussi, j’aime garder le contrôle sur chaque détail de la fabrication, c’est très important pour moi. Je ne pourrais pas imaginer ne pas être proche de tout ce processus de réalisation des objets. Cela me donne aussi l’énergie et l’envie de créer plus et de toujours essayer de nouvelles choses à leurs côtés.

Vous sentez-vous « girlboss » [une jeune femme qui dirige sa propre entreprise, NDLR], comme certains peuvent vous appeler ?

Ce qui est sûr, c’est que depuis que je vis à Marrakech, je suis moins distraite et plus concentrée sur mon travail. C’est un monde d’hommes ici, j’ai donc besoin d’être sûre de moi, de savoir parfaitement ce que je veux et de savoir écouter mon instinct.