Marram designs, palette organique

Avec ses créations textiles cousues et teintées à la main,
Rebecca Rigg redonne au linge de maison une aura organique et artisanale.

Par Pauline Blanchard – Photographies : Marram designs

« Teindre à la main à l’aide de méthodes artisanales, cela demande de prendre le temps, de cultiver la patience et de garder un esprit ouvert sur la couleur finale : il faut accepter son imperfection, l’embrasser et comprendre qu’elle donne toute sa valeur à la pièce créée. » À 33 ans, Rebecca Rigg délivre à travers les créations teintées de Marram designs une véritable philosophie du travail artisanal. Le fruit d’un apprentissage constant, lent et complexe, qui se modèle aux possibilités offertes par le végétal. Enveloppés de bleu indigo, de grenat pâle ou d’ocre doux, ses linges enrobent d’une joie solaire les instants mouvants du quotidien. Adolescente déjà, Rebecca se passionne pour ce procédé qui redonne une seconde vie aux étoffes datées, grâce à des épluchures d’oignon, un noyau d’avocat ou quelques corolles bien choisies.

Originaire du Kent, une région anglaise arrimée au sud de Londres, Rebecca est guidée par l’atmosphère bohème et artistique qui œuvre dans sa famille – son père ébéniste, ses grands-parents peintres et sa mère designer d’art textile – en commençant très vite à jouer avec les matières. À 15 ans, en chinant une pile de tissus dans des boutiques d’occasion et en s’armant de quelques grammes de thé noir, elle crée pour ses amis sa première série de coussins teintés. Une découverte spontanée de laquelle naît sa passion durable pour la teinture manuelle.

Le Pays basque, terre d’inspiration
Acceptée dans une école d’art textile, Rebecca décide pourtant de renoncer à s’y rendre la veille de la rentrée. « Je voulais partir et découvrir le monde », confie-t-elle sans regret. Attirée par les sommets enneigés, elle rejoint les Alpes avant de se laisser guider par les embruns de l’océan. Cap à l’ouest et direction Hossegor, puis Seignosse. « Le Pays basque est un endroit magique, entre océan, dunes, forêts et montagnes… Un lieu qui bourdonne d’énergie créative. » Rebecca y retrouve sa mère Julie, cette dernière ayant posé ses bagages sur la côte ouest également, en Charente. Il y a cinq ans, c’est dans l’atelier de Julie que mère et fille font leurs premières expérimentations avec les teintures naturelles. « Nous sommes tombées amoureuses de l’indigo, ce bleu profond qui fait écho à celui de l’océan », s’enthousiasme Rebecca. Julie transmet alors son savoir à Rebecca, avide d’apprendre. Très vite, les tâches se partagent naturellement : la première coud tandis que la seconde expérimente autour des palettes de couleurs. Naît alors Marram, du nom anglais désignant les herbes hautes qui ensauvagent les dunes des plages basques. Un hommage aux paysages locaux et au végétal, inspirations majeures de la jeune maison textile.

Cycle vertueux
Avec Marram, la démarche de Rebecca se veut la plus vertueuse et écoresponsable possible. Côté tissus, c’est vers Emmaüs et les brocantes qu’elle se tourne, pour réinventer l’apparence des linges qu’elle chine avec soin. Le lin, matière à la culture très peu gourmande en eau, est aussi l’une des favorites de la créatrice. Aussi, au début de chaque nouvelle série, Rebecca met un point d’honneur à réutiliser chutes et fils des anciennes collections. Pour les teintures, la créatrice profite des plantes tinctoriales qui poussent à foison dans le jardin d’un de ses amis où elle cueille calendula, scabieuses et soucis d’Inde, ou bien arpente les forêts de sa région d’adoption pour y ramasser glands et noix. « Avec les teintures végétales, je suis entre les mains de la saison, pointe Rebecca. Nous avons la chance de vivre dans un milieu naturel riche et abondant, qui nous nourrit et nous fait vivre, c’est vital pour moi d’apporter le même soin à ce milieu en créant de la façon la plus respectueuse possible. » À la fin de la belle saison, Rebecca récolte les rudbeckias fanés des massifs de la ville pour teinter couvertures et coussins d’un joli jaune tirant sur le vert olive. Un cycle de création vertueux qui place le rythme lent des saisons en son cœur.

Embrasser l’imperfection
Cette considération du temps pour bien faire les choses, Rebecca l’applique aussi dans le processus de teinture « doux et lent » de Marram. Une longue suite d’étapes à respecter minutieusement est nécessaire à l’obtention de teintes durables. Lavage en profondeur des tissus, trempage dans du lait de soja, puis bain dans une marmite de pigments, avant de sécher les linges naturellement. Pas moins d’une semaine entière pour colorer un simple textile. Un rythme qui enseigne la patience et impose l’attente avant de pouvoir tenir entre ses mains des pièces que Rebecca réalise le plus souvent sur commande. Malgré les recettes consciencieusement manuscrites entre les lignes des cahiers de la créatrice, les mêmes indications donneront sans doute lors d’une nouvelle série un jaune un peu plus pâle que l’ocre visé, ou un rouge plus chaud que le rose originellement obtenu. Ce travail avec le vivant demande d’accepter les variations et l’imperfection, pour un résultat à chaque fois unique. « Aujourd’hui, avec le processus industriel qui règne dans l’univers textile, on a perdu l’habitude de voir des créations d’une même série avec de légères différences. Avec Marram, on explique que le processus artisanal aboutit forcément à ce résultat, c’est ce qui fait le charme des produits et ce qui montre que c’est la main qui opère et non la machine. » Un univers vertueux et solaire au goût d’été qui commence, pour des pique-niques polychromes et des siestes en Technicolor au creux des dunes.

@marramdesigns

¨ C’est vital pour moi d’apporter le même soin à notre milieu naturel en créant de la façon la plus respectueuse possible. ¨

Les inspirations de Rebecca Rigg

Votre paysage favori à arpenter pendant la douceur de mai ? Les collines des Pyrénées. Pour admirer la transformation du paysage égayé par les fleurs sauvages qui recouvrent les prairies.

Une palette de couleurs qui fait écho au début de l’été ? Cette année, nous nous sommes inspirées du mélange de fleurs cultivées dans le jardin de ma grand-mère en Occitanie, ainsi que du jaune vif du genêt et des fleurs d’ajonc qui poussent dans les terres arbustives près de ma maison. Avec en tête l’image du soleil de midi sur l’océan, qui libère des rayons dansants d’argent et d’indigo profond.

Un végétal qui symbolise le retour des beaux jours ? Les fleurs de souci me rappellent toujours les journées plus chaudes lorsque je travaille dans mon atelier. J’aime leur riche couleur dorée et le parfum qu’elles dégagent pendant la cuisson dans la marmite à colorants.

Les essentiels pour un pique-nique improvisé au bord de l’océan ? Du bon pain avec un fromage de brebis, accompagné d’un gâteau basque, de confiture de cerises et d’une bouteille de cidre ; le tout posé sur une nappe de lin froissé, tout en regardant le coucher de soleil sur l’Atlantique.

Une odeur préférée qui vous rappelle que l’été n’est plus très loin ? Le pollen de mimosa qui remplit l’air, mélangé à l’herbe fraîchement coupée. Une combinaison qui se joint aux embruns salés de l’océan.

Un livre comme une promesse des beaux jours à dévorer sous le soleil ? Lorsque j’ai le temps, j’aime m’asseoir sur ma terrasse et feuilleter mes livres d’échantillons de teinture, remplis de morceaux de tissu colorés par mes précédentes expérimentations.

Si vous étiez une maison de vacances, laquelle seriez-vous ? Ce serait une maison d’été, une ancienne ferme sur la Côte d’Azur ou sur la côte d’Algarve, au Portugal.

Les plus jolis moments à chérir ? Célébrer le retour des journées plus longues et plus chaudes en passant autant de temps que possible à l’extérieur. Faire de longues promenades dans les forêts de pins pour récolter des végétaux pour les teintures et ramasser des coquillages à marée basse sur la plage devant ma maison.

¨ Le Pays basque est un endroit magique, entre océan, dunes, forêts et montagnes… Un lieu qui bourdonne d’énergie créative. ¨