Pensais-tu devenir cheffe un jour ?
Je ne savais pas si j’allais réussir, mais j’en ai toujours eu l’envie ! Depuis mes 8 ans, j’adore cuisiner. Pourtant, mes parents étaient loin d’être des cordons-bleus. À la maison, c’étaient souvent des plats froids et des gâteaux sans farine (rires). J’ai un oncle qui cuisine beaucoup ; je crois que c’est lui qui m’a transmis la fibre.
Une madeleine de Proust ?
Je pense au hachis parmentier de canard de ma mère, avec de la purée maison – comme quoi, elle n’était pas si novice !
Quel est ton ingrédient phare ?
L’oignon, car on peut tout faire avec. Ça rend les plats plus goûtus, et ça sent tellement bon dans une casserole !


Un petit geste écolo en cuisine à la portée de tous ?
Arrêter de jeter les épluchures et en faire des bouillons concentrés ; ça remplace les cubes industriels. Et quand on utilise les os, c’est plein de collagène, c’est super pour la peau.
Quels sont les chefs qui t’ont marquée ?
J’aime beaucoup Manon Fleury pour son travail autour des produits et sa vision des femmes en cuisine. Et bien sûr, Philippe Etchebest depuis Top Chef car c’est quelqu’un de bienveillant qui m’a toujours soutenue, encore aujourd’hui.
Comme Manon Fleury justement, on dit souvent de ta cuisine qu’elle est “sensible”. Ça te plaît ? Quelle en est ta définition ?
Pendant l’épreuve autour des fleurs dans Top Chef, on me disait : « Là, c’est ton moment ! », probablement parce que j’étais la dernière femme en compétition… J’aime cuisiner avec les
fleurs, mais pas juste pour une question d’esthétique. Une capucine, ça a du goût, ce n’est pas juste un joli pétale orangé. Pour moi, la cuisine sensible est une cuisine intime, raisonnée, de saison. Nous avons un vrai rôle à jouer en tant que chefs… Si on arrête de proposer du saumon à la carte, ça finira par faire bouger les choses !
Ce sont des réflexions qu’on vous partageait déjà lors de ta formation à l’école Ferrandi en 2014 ?
Pas du tout. Ferrandi est une très bonne école, on y apprend l’économie, la rigueur, mais on travaille avec des produits très classiques. Pendant mes premiers stages, quand je disais que je préférais travailler le poisson et les légumes, on me répondait que c’était plus important de cuisiner de la viande. Je pense que ça a évolué depuis, mais il y a sans doute encore du chemin.

Quelle est a été la plus grande évolution dans l’univers de la cuisine ces dernières années selon toi ?
La mise en lumière du bien-être humain, en cuisine comme à la maison. On pense plus à la santé, aux cuissons saines, à l’importance d’avoir du bon matériel… Je pense beaucoup à l’impact de ce travail sur mon corps ; par exemple je fais attention à mon exposition aux postes dits “chauds” (piano, gril, etc.) pour des questions de fertilité.
Quel a été l’impact de ta participation à Top Chef dans ta vie depuis un an ?
Avant, je pensais que si je n’étais pas en cuisine, tout allait s’écrouler. Et puis je me suis absentée deux mois pour l’émission, et tout a continué ; j’ai compris que je pouvais lâcher prise. Après Top Chef, les gens viennent aussi au restaurant pour goûter ta cuisine parce que tu les as touchés, c’est puissant !
Que recherchais-tu en participant à l’émission ?
J’ai toujours pensé que Top Chef pouvait aider à rendre les femmes plus visibles en cuisine. Je dirige une brigade de 25 personnes chez Francette, avec 100 % d’hommes. Je suis ferme et directive, mais je ne crie pas. Parfois, les gens croient que je suis froide, mais j’ai juste dû me blinder. J’ai été trop humiliée en stage et je ne veux pas reproduire ça ; il faut arrêter de penser qu’il faut souffrir pour apprendre. Le revers de la médaille, c’est que je ne cuisine presque plus ; mes couteaux sont chez moi depuis un an…
C’est pour cette raison que tu prévois d’ouvrir ton propre restaurant ?
Exactement. C’est un projet commun avec mon mari – également chef (du restaurant Balthazar dans le 5e arrondissement de Paris) – pour 2026. On rêve d’un endroit côté rive gauche qui nous ressemble à tous les deux : un peu végétal, un peu brut, mais pas cliché.
Que projettes-tu d’un point de vue humain ?
Il faudrait repenser la cuisine d’aujourd’hui : les horaires, les condi- tions de travail, de vraies coupures, des soirées libres, des vacances collectives… C’est plus facile de trouver des gens motivés dans ces conditions ! La cuisine responsable et durable, à mon sens, c’est aussi (et surtout) une gestion humaine éthique, où chacun peut s’épanouir.



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