Sarah Espeute, tables sensibles

Avec ses nappes brodées aux trompe-l’œil intemporels, Sarah Espeute raconte les histoires sensibles de tableaux vivants aux couleurs de la Méditerranée.

Par Propos recueillis par Pauline Blanchard – Photographies : Pierre Girardin

Ses nappes font naître des désirs de dîners étirés à la lueur des bougies, à l’abri d’un petit jardin méditerranéen parfumé par les effluves de fleurs d’oranger et de basilic. À 30 ans, Sarah Espeute est une créative touche-à-tout. Après des études de graphisme à l’École d’arts appliqués Olivier de Serres (Ensaama) et plusieurs projets dans l’impression et l’illustration, Sarah s’est laissé guider par son envie d’un univers créatif en lien avec la décoration intérieure. De retour dans son Sud natal depuis deux années, elle donne vie à des objets durables, mêlant sa passion pour l’illustration à la fabrication artisanale. Naviguant autour de l’art de la table, les créations textiles de cette brodeuse autodidacte marient l’art du trompe-l’œil au charme méditerranéen d’une esthétique intemporelle.

Comment en es-tu venue à t’intéresser à la broderie ?
Je cherchais à développer et à créer des objets de mes mains à moindre coût. Le textile était une matière qui m’attirait naturellement. J’ai eu l’idée de décorer un coussin de manière illustrative. À la question de comment représenter un dessin en ligne sur du textile, la broderie m’est apparue comme une réponse évidente. J’ai appris cet artisanat petite, en suivant quelques ateliers à l’école primaire. J’utilise un point très simple qui vient suivre le dessin que j’esquisse, à la recherche d’un effet très visuel pour qu’on puisse le voir de loin. Pour ce faire, j’utilise un fil assez épais. Les trompe-l’œil, ces éléments d’illustration dessinés dans l’espace, donnent à une pièce une véritable dimension.

Pourquoi avoir choisi la nappe comme support ? C’est un objet de décoration d’ordinaire assez peu valorisé…
C’est la galerie a mano studio, à Biarritz, qui m’a d’abord commandé une nappe pour une exposition sur le thème de la table. Je brodais déjà des trompe-l’œil sur des coussins sans avoir jamais pensé à des nappes. En faisant cette réalisation, je me suis rendu compte de la puissance que cela pouvait avoir. Avec une nappe brodée d’assiettes et d’objets, on peut exprimer un imaginaire riche et fertile. À travers les détails de l’assiette, le design de la fourchette, les éléments qui viennent s’ajuster autour… loin d’être un simple ornement, la nappe peut être devenir un objet de décoration avec une vraie présence, une diseuse d’histoires.

Comment imagines-tu ces tableaux vivants ?
L’idée, c’est de raconter une histoire en dessins. Par exemple, transposer l’atmosphère d’une table italienne recouverte de légumes que l’on viendrait de récolter dans son jardin. J’aime travailler avec la saisonnalité des fruits et des légumes. Puis j’imagine l’allure des assiettes et des autres éléments qui accompagneront cette gamme de végétaux. Je développe leur motif puis je simplifie mes dessins au maximum, j’en ressors des lignes qui doivent être perceptibles dans l’espace. L’illustration permet beaucoup de possibilités.

Tes nappes brodées donnent des envies de beaux festins. Quelle est ta relation à l’art de la table et à la nourriture ?
La table est un élément important de mon enfance. La maison de mes parents est remplie de vieux objets. Ma mère a toujours eu l’habitude de mettre une nappe, le plus souvent accompagnée d’un compotier rempli de fruits, d’une vasque, d’un pichet ou d’un bouquet pour la faire vivre. J’ai la même démarche, en préférant une table décorée de manière naturelle et organique, parsemée de choses simples. Côté assiette, j’aime là aussi la simplicité des légumes crus et cuits qui me donnent de l’appétit. Des cultures de saison, des asperges, artichauts, tomates… Des plats familiaux, subtilement assaisonnés.

¨ L’idée, c’est de raconter une histoire en dessins. Transposer l’atmosphère d’une table italienne recouverte de légumes que l’on viendrait de récolter dans son jardin. ¨

Qu’est-ce que ton arrivée à Marseille a changé dans ta façon de créer ?
Mon retour dans le Sud a nourri mon imaginaire et l’aura méditerranéenne de mes créations. C’est parce que je suis ici en Provence que cela fait sens de créer ces objets. Marseille est une ville proche de la nature, avec un horizon ouvert sur la mer. En ce moment, la ville attire beaucoup d’artistes et de créatifs et cela lui donne une énergie particulière. C’est l’occasion de faire beaucoup de rencontres et de se créer un noyau artistique solide. Ici, on ne se sent pas isolé ou noyé au milieu d’un flot artistique très codé comme à Paris. C’est une ville qui résonne davantage avec mon parcours autodidacte.

Tu te définis comme une artiste d’intérieur. Qu’entends-tu par là ?
C’est une manière pour moi de ne pas apposer d’étiquette. Je me suis rendu compte, à travers mes études notamment, qu’on était assez vite cloisonnés dans des professions artistiques alors qu’en fait, la créativité est large et n’a pas de limites ; on peut évoluer à la fois en tant qu’artiste, designer et illustratrice, parallèlement dans plusieurs disciplines à la fois.

Quelle est ta vision de la décoration et des objets de décoration ?
Je crée des objets et des œuvres sensibles ; je ne souhaite pas considérer l’objet comme uniquement fonctionnel mais je veux lui donner une certaine sensibilité, une émotion. Un objet qui a du sens avec des formes et des motifs non soumis à la tendance. Quelque chose que j’aimerai toujours dans dix ans. Je travaille mes idées et je fais évoluer celles qui me restent en tête, en visant cet idéal d’intemporalité.

Tu sembles attachée à cette idée de durabilité…
L’objet est le symbole des effets néfastes induits par notre société de surconsommation. Ma démarche, c’est aussi de redonner de la valeur aux choses et de mettre en lumière la production locale. Aller à l’encontre des objets produits en masse dont on se lasse et qui n’ont pas d’âme. Je suis attachée à cette idée de design sensé, qui passe forcément pour moi par la sensibilité pour qu’on redonne de l’attachement aux objets. Pour consommer moins, de manière plus raisonnée, s’offrir des objets plus qualitatifs, dont on réfléchit davantage l’achat et que l’on garde longtemps.

Comment choisis-tu les matières sur lesquelles tu brodes ?
Je brode uniquement des tissus anciens, principalement des draps chinés, qui ont entre 50 et 100 ans d’existence. Je tiens beaucoup à donner un second souffle à un objet qui a déjà une histoire. Je ne vois pas trop l’intérêt de partir sur quelque chose de neuf. Aussi, au niveau de l’esthétique et de la qualité des matières, l’ancien est incomparable. Ces tissus ont déjà fait leurs preuves, on voit qu’ils vont durer dans le temps. D’un point de vue écologique, esthétique et sensible, tout cela fait sens.

Quelles sont les valeurs importantes que tu souhaites transmettre à travers ton travail ?
Je crois qu’il est essentiel d’exprimer sa personnalité à travers la création, quelle qu’elle soit. Ce n’est pas une question de beau ou de laid mais d’expression de soi. Chacun porte une vision, une sensibilité propre, et peut l’exprimer en créant de ses mains.

En quoi mettre en lumière la création manuelle est essentiel selon toi ?
La création artisanale donne de la valeur à l’objet. À la main, le produit a été fabriqué à un nombre d’exemplaires restreint. Il faut comprendre qu’il faut du temps pour créer à la main. J’explique souvent que je peux difficilement broder plus de trois nappes par semaine. Comme moi, de nouveaux labels passent par la précommande pour éviter le gâchis. C’est un système plus logique et plus vertueux. L’attente, c’est aussi une chose à laquelle nous ne sommes plus vraiment habitués. Cela fait prendre conscience du temps qu’on est prêt à prendre pour aimer un objet.

oeuvres-sensibles.com

 

Les belles adresses
de Sarah Espeute à Marseille 

Le Souk de Nour d’Égypte
Des plats égyptiens délicieux et très abordables à côté d’une belle sélection d’objets artisanaux.
2A rue de Rome, 1er arrondissement.

Herboristerie et tisanerie
du Père Blaize
Pour se concocter de bonnes tisanes faites maison ou se soigner avec les plantes de leur pharmacie.
4, 5 et 6 rue Méolan-et-du-Père-Blaize, 1er arrondissement.

La Maison Marseillaise
Une sélection pleine de goût, parfaite pour offrir un cadeau ou se faire plaisir.
38 rue Francis-Davso, 1er arrondissement.

Brûlerie Möka
Pour déguster un bon café torréfié à Marseille accompagné de délicieux gâteaux.
36 boulevard Eugène-Pierre, 5e arrondissement.

Espace Zéro – Atelier Bartavelle
& Azur
Deux nouvelles marques durables incontournables à Marseille.
19 rue du Chevalier-Roze, 2e arrondissement.

Oumalala
Pour la cuisine végétarienne créative de Marie qui fait de nouveaux plats tous les jours à 12 €.
18 rue Saint-Pierre, 6e arrondissement.

La Bonne Mère
Selon moi la meilleure pizzeria de Marseille, familiale et sans chichis.
16 rue Fort-du-Sanctuaire, 6e arrondissement.

Épicerie L’Idéal
Une gourmande sélection de produits méditerranéens dénichés par Julia Sammut.
11 rue d’Aubagne, 1er arrondissement.

Maison Empereur
Une ancienne quincaillerie fondée en 1827, un véritable bond dans le temps. On y trouve de tout : décoration, cuisine, bricolage, linge de maison, jouets anciens… Une boutique malle aux trésors !
4 rue des Récolettes, 1er arrondissement.

Limmat
Des plats végétariens ou à base de poisson merveilleusement bien cuisinés.
41 rue Estelle, 6e arrondissement.

Luciole
Un comptoir à thé qui propose aussi des objets traditionnels du Japon. Cette boutique tout en longueur fait voyager !
15 rue Venture, 1er arrondissement.

Emmaüs Pointe Rouge
De loin mon Emmaüs préféré à Marseille. C’est un endroit chaleureux et on y trouve toujours de bonnes affaires.
110 traverse Paragon, 8e arrondissement.