Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
J’ai fait plein de choses avant d’en arriver là ! J’ai commencé par des études en communication. Je me suis vite rendu compte que ce n’était pas vraiment fait pour moi. Ce qui m’intéressait vraiment, c’était la partie créative. J’ai quitté Grenoble d’où je suis originaire pour rejoindre ma sœur à Bordeaux et étudier les arts plastiques. Ensuite, j’ai travaillé dans le prêt-à-porter à Paris, puis dans une école de communication en tant qu’assistante pédagogique, tout en gardant un pied dans la création grâce à mon activité de graphiste illustratrice en freelance. En 2021, je suis venue m’installer à Rennes avec mon conjoint. Je ne connaissais personne, je suis repartie de zéro ! C’est là que j’ai décidé de devenir abat-jouriste.
Comment en êtes-vous venue à exercer ce métier rare ?
En arrivant en Bretagne, j’ai pris le temps de repenser mon intérieur. Je suis fille d’antiquaire, et comme mon père, j’aime beaucoup la décoration, et en particulier les luminaires. Il y avait toujours des lampes d’appoint à la maison ! Lorsque j’ai cherché des abat- jour pour mon nouveau chez-moi, je ne trouvais rien à mon goût. Je me suis demandé si le métier d’abat-jouriste existait encore et j’ai découvert qu’il y en avait une à Rennes, Aurélie Cousin. Je l’ai rencontrée et elle m’a transmis l’amour de son métier. J’ai très vite compris que j’allais pouvoir agrandir mon champ de création et marier différentes matières ; alors, je suis partie me former dans le Morbihan, auprès de Charlotte Levivier, abat- jouriste depuis 30 ans. J’ai appris avec elle les techniques traditionnelles, comme celle d’utiliser des pinces à linge pour le montage !


Qu’est-ce qui vous a plu dans ce métier ?
La possibilité de créer à l’infini. Il existe une multitude de formes, de matières, de techniques… On apprend chaque jour et on peut s’exprimer comme on l’entend. C’est un métier peu valorisé mais qui a toute sa place dans l’univers de la décoration. Les luminaires n’ont pas leur pareil pour apporter du charme, de la poésie, du caractère à un intérieur. De manière complètement inconsciente, j’ai tout de suite développé deux aspects dans mon activité : la création et la fabrication sur mesure.
Comment imaginez-vous vos propres créations ?
Je m’inspire chaque jour des tendances en termes de design, mais je reste fidèle au cachet de l’ancien ; je tente d’associer les deux dans chacune de mes créations. J’aime ce côté intemporel. C’est sûrement pour cette raison que le vichy est devenu mon imprimé signature. Au fil du temps, j’ai développé un regard pour les formes et les associations de couleurs. Tout m’inspire : l’architecture, les tenues des gens dans la rue et même les constructions en Lego que je peux faire avec mon fils ! Parfois, j’ai des flashs ; je me les note quelque part, puis je vais chercher dans mes tissus ce que cela peut donner. Mes projets de fabrication sur mesure m’inspirent aussi beaucoup.

Vous venez de créer votre première collection de lampes à poser, Ovale- ment Lin Ovalement Vichy. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Cela faisait longtemps que j’en rêvais. Ma première lampe. Des courbes tout en douceur. Des couleurs ou des motifs qui se répondent. Une forme ovale, singulière, qui m’est venue à la suite d’un projet sur mesure. Chaque lampe est entièrement conçue en tissu et façonnée à la main dans mon atelier, dans les plus pures techniques traditionnelles de la confection d’abat- jour. J’ai choisi d’utiliser le lin qui est particulièrement beau, même éclairé. La lumière se diffuse intégralement, dans chaque partie de la lampe. Plus qu’un simple luminaire, c’est un vrai élément de décoration. Je lui souhaite beaucoup de nouveaux toits à aimer, à éclairer !
Comment fonctionne l’autre partie de votre activité, dédiée à la fabrication sur mesure et à la réfection ?
Je réalise des abat-jour sur mesure pour des professionnels et des particuliers. Souvent, les gens viennent me voir avec leur pied de lampe chiné ou de famille, et nous réfléchissons ensemble à l’abat-jour idéal. Soit les gens ont une idée précise de ce qu’ils souhaitent, soit je leur propose différents modèles en harmonie avec leur luminaire (lampe à poser, applique, lustre, suspension, baladeuse…). Je travaille beaucoup à distance, sur photo. Je fais toujours un croquis à partir de la photo pour aider mes clients à se projeter. Outre la fabrication sur mesure, je peux aussi faire de la réfection d’abat-jour. Dans ce cas, je réutilise la carcasse, c’est-à- dire la structure, parce que sa forme est parfaite ou que les gens y tiennent particulièrement, et je rénove la pièce à l’identique ou avec un nouveau tissu.

Quel est votre processus créatif ?
Tout commence par la forme de l’abat-jour. Il faut qu’elle s’harmonise avec l’ensemble du luminaire. Cône, cylindre, pince-flammes (à clipser sur l’ampoule), avec ou sans festonnage… les possibilités ne manquent pas ! Pour mes créations, je fais des recherches et je dessine mes idées. C’est une partie qui me plaît puisque je suis aussi illustratrice. Ensuite, il faut choisir le tissu. Je le sélectionne moi-même, en fonction du toucher et de la couleur. J’ai toujours été sensible aux textures, aux associations de couleurs, à la lumière… La technique du contrecollé nous permet aussi d’utiliser d’autres matières comme le papier, le raphia, le papier peint ou même des chutes de tissu comme celles de rideaux pour faire un rappel déco dans une pièce. Enfin, je veille à soigner les finitions, notamment grâce à la passementerie et à la multitude d’options qu’elle nous offre. J’aime beaucoup le croquet, un petit ruban en forme de vague, qui ponctue souvent mes créations. De manière générale, je cherche toujours à apporter une singularité, à trouver le détail qui fera la différence.
Vous associez aussi votre savoir-faire à celui d’autres artisans : céramistes, tourneurs sur bois… Qu’est-ce que cela vous apporte ?
J’ai développé cette partie totalement à l’instinct. J’ai commencé en proposant mes services à Alice Damiens de Romie Objetti pour compléter ses créations en bois. C’est une partie de mon travail que j’aime beaucoup. C’est hyper intéressant et stimulant puisque la demande est plus poussée en termes de créativité. Nous avons les mêmes problématiques, la même compréhension du temps de confection… Entre artisans, on se comprend !





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