Avant Gramme 3 et Gramme 11, tu étais dans l’univers de la musique ; pourquoi ce changement de vie ?
En effet, après des études de communication, j’ai travaillé pour Universal Music, mais la cuisine a toujours fait partie de moi. Mon père est polonais-allemand, ma mère vietnamienne, et ma famille cuisinait beaucoup. Mes premiers souvenirs à table sont le poulet au barbecue de mon grand-père maternel et le riz gluant de ma grand-mère que l’on mangeait avec une salade gỏi à base de concombre, poivron et papaye verte. Ensuite, la cuisine est réellement devenue une passion en arrivant à Paris, lorsque j’ai commencé à faire les marchés pour cuisiner toute seule. Je pensais rester dans la musique, économiser pour ouvrir un petit resto plus tard, et finalement j’ai quitté mon job en 2017. J’ai passé mon CAP de cuisine et le projet d’un restaurant est devenu concret quand j’étais en couple avec Romain Tellier, désormais mon associé. Il a eu l’impulsion de créer un projet, on a réfléchi ensemble au style de lieu que nous voulions, et en février 2019, nous avons ouvert Gramme 3, rue des Archives dans le 3e arrondissement de Paris. Puis, en janvier 2023, nous avons ouvert Gramme 11 avec Romain et son frère Alexis.
Quelle est la personnalité de ces deux adresses ?
Gramme 3 est un café-cantine de 18 couverts où l’on sert des petits déjeuners, déjeuners et goûters avec des cafés de spécialité. Ce n’était pas le cas auparavant, mais aujourd’hui le fil conducteur est la brioche qui, comme une tartine, sert de base à des recettes sucrées et salées.
On retrouve par exemple une brioche caramélisée accompagnée de beurre de cacahuète et de confiture de fraises ou un “Banh-Mi Dog” avec un effilé de cochon aux épices, de la mayonnaise verte et des pickles de légumes. Plus grand et ouvert le soir à partir de 17 h 30, Gramme 11 ressemble davantage à un bistrot avec des assiettes à partager et une carte de vins nature. Ce n’est pas le même terrain de jeux que notre première adresse, car ici j’ai une équipe plus conséquente, plus de place et de matériel pour créer et me renouveler.
La devise de Gramme est “cuisine parisienne” ; qu’est-ce que cela signifie pour toi ?
Je décris souvent ma cuisine comme une cuisine métissée avec des produits locaux (par exemple, j’adore m’inspirer de saveurs asiatiques tout en les retravaillant avec des produits français). Je m’inscris là où je suis, en respectant les saisons, le terroir, mais avec une ouverture sur le monde ; comme Paris en fait, une ville où tu côtoies à la fois les cultures méditerranéennes, asiatiques, africaines… Sur ma carte, tu peux trouver de la mozzarella et un peu plus loin, une soupe miso, et pour autant on ne se dit pas que c’est de la cuisine fusion. Pour moi, c’est ça la cuisine parisienne : une cuisine de rencontres.
Quelles sont tes inspirations ?
Tout d’abord mes racines et les goûts de mon enfance, dont je parlais précédemment, sont de vrais marqueurs de ma cuisine actuelle. Ce que je mange à Paris influence aussi mes recettes, comme lorsque j’avais détourné un plat goûté dans un petit restaurant de Belleville pour en faire des nouilles dan-dan d’asperges blanches. Mes récents voyages également m’ont permis de découvrir de nouvelles palettes aromatiques ou manières de cuisiner. Au Mexique, la street food m’a beaucoup inspirée, avec notamment les tacos à base de viande marinée pendant des heures. Au Vietnam, je me suis nourrie de cet équilibre magique entre le sucré, l’acide, le pimenté et la fraîcheur des herbes. En Espagne, j’ai aimé la culture du comptoir où tu peux manger à n’importe quelle heure des tapas. Ces petits encas sont ultra-simples mais si bons, car tout est dans le produit !
Peux-tu citer trois ingrédients que tu adores ?
Le riz ! En plat, en dessert, sauté, gluant, au lait, en bouillon… C’est l’ingrédient avec lequel tu fais ce que tu veux, car il peut avoir plein de textures différentes. Il y a aussi la sauce de poisson fermenté nuoc-mâm ; c’est un peu mon sel à moi. Avec du citron, ça apporte toujours un bon coup de peps à un plat. Et enfin, la rhubarbe, que j’adore intégrer dans des recettes salées.
Qu’aimes-tu particulièrement dans le fait de cuisiner et d’avoir des lieux ? J’adore l’art de vivre et de recevoir. Selon moi, un restaurant, c’est comme ta maison, tu reçois les gens comme si tu les recevais chez toi, dans ton univers. Et à partir de là, tu fais tout pour qu’ils passent un bon moment !
Gramme 11, 96 rue Jean-Pierre- Timbaud, Paris 11e
grammeparis.fr
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HOME FOOD
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