Justine Pruvot, la cheffe qui fait rayonner l’artisanat

Après avoir exercé dans les cuisines de la cheffe Manon Fleury, chez Datsha aux côtés d’Alexia Duchêne ou encore chez Bonne Aventure où elle seconde Alcidia Vulbeau, la cheffe Justine Pruvot compose aujourd’hui en résidences de Marseille à Bruxelles ! Rencontre, et recette exclusive en bonus !

Par Noémie Malaize - Photographies : Pauline Gouablin, Aurore Bonami, Séverine Pierre et Noémie Malaize

Avant de devenir cheffe et de mettre en lumière le beau et le bon à travers Touillet, sa marque dédiée à l’art de la table, Justine Pruvot travaille dans la communication et la publicité à Paris. Elle s’épanouira pendant dix ans dans ce milieu avant de s’imaginer cuisinière, pour changer de vie : « Je me suis laissé rêver ! Je n’avais pas la technique, mais du fait de mes expériences et de mes voyages, je me suis dit que j’avais peut-être un goût différent. » La voilà qui file alors vers cette enthousiasmante porte de sortie, pour remettre du soleil dans son quotidien tout en continuant à raconter des histoires.

La passion du végétal

En 2019, tout juste diplômée d’un CAP cuisine à l’école Ferrandi et déçue par une première expérience dans la restauration, Justine trouve en la figure de la cheffe Manon Fleury une précieuse source d’inspiration : « J’étais fascinée par sa vision : le sourcing méticuleux des produits, la collaboration nécessaire avec les maraîchers pour faire de la bonne cuisine, le soin porté à l’humain, l’accompagnement de chacun dans ses qualités et ses faiblesses… Je n’arrivais pas à me dire que je pouvais travailler ailleurs ! » Sa persévérance lui permet de se glisser dans l’équipe de Manon, qui officie alors au Mermoz (un bistrot du 8e arrondissement parisien), le temps d’un stage rêvé : « Le temps m’était compté et je ne voulais pas rater une miette de ce que je pourrais apprendre d’elle », rigole-t-elle aujourd’hui.

Cette parenthèse auprès d’une cheffe reconnue est fondatrice dans son parcours de cuisinière et lui ouvre les portes de nouvelles expériences fondées sur la confiance et la bienveillance. C’est ainsi qu’elle accompagnera Alexia Duchêne dans l’ouverture de son restaurant Datsha, puis secondera Alcidia Vulbeau pendant un an chez Bonne Aventure, avant de prendre son envol et de courir le pays (et ses voisins) pour des résidences en son nom.

À partir de 2021, Arles, Marseille puis Bruxelles accueillent tour à tour l’énergie de Justine qui, pour la première fois, fait sa cuisine et assume des assiettes majoritairement végétales tout en revendiquant son lien à la paysannerie – fil rouge d’une enfance rompue aux salades du jardin et aux festins faits maison : « Pour faire une cuisine pure et sincère, j’ai besoin de connaître personnellement les producteurs avec lesquels je travaille. Dès que je peux, je les rejoins sur leur exploitation pour faire des semis ou ramasser les légumes. J’ai commencé à Arles pendant le confinement, en attendant la réouverture des restaurants, et ça ne m’a jamais quittée », nous raconte celle dont les assiettes sont le reflet de ce que les maraîchers lui proposent au fil des saisons. Sur son compte Instagram, que la cheffe nourrit de préparations gourmandes (carpaccio de betterave, beurre infusé au combawa, pleurotes snackés et jus végétal corsé), on peut lire sous une image : « À Marseille je cuisine à 90 % à l’huile d’olive, ici “au plat pays” je cuisine à 90 % au beurre. Le beurre est roi, alors je m’adapte ou plutôt, je m’incline. » Voici les mots d’une cheffe nomade dont les propositions culinaires se réinventent au gré des territoires, comme lors de cette résidence d’hiver en Belgique. « Les légumes, c’est facile. Il faut juste les respecter, ne pas les surcuire et avoir le bon assaisonnement », poursuit Justine qui, depuis, a retrouvé son Sud étincelant et officie à Mercato, où elle bouscule les Marseillais d’une cuisine instinctive et légumière.

̈ Pour faire une cuisine pure et sincère,
j’ai besoin
de connaître personnellement les producteurs. ̈

Une histoire de transmission

Si Justine a grandi en Champagne et a fait de Marseille sa maison, c’est pour la Picardie que son cœur vibre, car c’est tout là-haut que vit encore Lucette, sa grand-mère à qui elle rend souvent visite. Elle nous raconte avec beaucoup d’émotion le destin de cette muse qui a tant compté dans son parcours, et auprès de qui elle continue d’apprendre : « Lucette cuisinait beaucoup, mais plus par nécessité que par plaisir. Elle était couturière à la maison pendant que mon grand-père travaillait à l’usine. Elle a toujours eu ce plaisir des belles choses, du beau dans la mode, mais aussi dans les tables qu’elle dressait et les plats qu’elle faisait. » Alors en 2023, c’est pour Lucette que Justine crée la collection d’arts de la table Touillet, un clin d’œil à son nom de jeune fille, pour la rendre fière et continuer à faire vivre cet héritage familial, en mélangeant à son tour les ingrédients et les arts. L’idée ? Créer une fusion entre son esprit de cheffe et les artisans dont elle admire le talent, à travers une vaisselle ludique et graphique : « J’ai toujours été passionnée par les gens qui avaient de l’or dans les mains », nous raconte Justine, qui s’excuse de ne pas savoir bricoler mais ne cesse pourtant de créer du merveilleux elle aussi, côté cuisine.

Les collections qu’elle imagine avec Touillet sont par ailleurs l’occasion de renouer avec l’esprit d’équipe qui manque à son quotidien de cheffe indépendante, tout en étant en plein cœur de la transmission : « Je suis convaincue que les belles initiatives, il faut les montrer ! », nous confie-t-elle avec entrain. Chaque collaboration est une histoire de rencontre avec la matière et des femmes dont les sensibilités se complètent : « Les artisanes avec lesquelles je travaille me transmettent également leurs connaissances et rien que pour ça, j’ai l’impression d’être à la bonne place », poursuit Justine, qui a pu recréer un lien de proximité avec la terre puis le bois grâce à ses deux premières collections : Les Potier.e.s puis Les Menuisier.e.s.

Vaisselle de saison

Justine rêvait de pièces pensées à quatre mains pour accueillir ses plats tout en offrant une expérience de dégustation optimale. Portée par l’enthousiasme des premières potières à qui elle partage son envie d’accorder contenant et contenu puis émerveillée par leurs prototypes, elle décide de voir les choses en grand : Touillet sera finalement une marque avec un site, une boutique en ligne et un compte Instagram. Lou Thomas et Amandine Gachet sont les céramistes de la première collection. Leur vaisselle polymorphe–entièrement modelée à la main pour la première, géométrique et épurée pour la seconde – incarne l’esprit Touillet et la volonté de Justine d’en faire un écrin dédié à l’artisanat et à celles qui le font. Leurs créations s’ancrent dans la saison et subliment le temps du repas. Pour accompagner le plat de service Festin couvert, Amandine Gachet et Justine Pruvot ont créé des assiettes creuses en harmonie avec le design minimaliste du plat. Ces pièces en terre rousse sont tournées à la main et suffisamment profondes pour accueillir le pistou en été et le pot-au-feu en hiver.

Dans un autre esprit, Lou Thomas se joue des codes du “bol de soupe” avec une assiette en forme d’escargot, pour pouvoir passer un morceau de pain dans tous les petits recoins. Bien sûr, Lucette n’est jamais loin et continue d’inspirer Justine dans chacune de ses collections. Les Menuisier.e.s est un hommage aux après-midi à pâtisser avec sa grand- mère, et c’est grâce au talent de l’artisane du bois Léa Laborie qu’elle peut donner vie à un rouleau pour décorer la pasta de jolis motifs géométriques. Les petits déjeuners picards ne sont pas en reste, et c’est la potière Lucie Sotty qui les célèbre à travers une collection de beurriers colorés pour accompagner les rotilles, ou rôtis, selon la compréhension de l’accent de sa grand-mère – ces tartines de pain grillé saupoudrées de cacao, dont Justine nous parle le cœur empreint de nostalgie.

Trop humble pour nous parler d’elle à la première personne, Justine Pruvot préfère se raconter à travers celles qui l’entourent : une grand-mère, une cuisinière et des potières. C’est ainsi que son portrait se dessine en filigrane de celui de Lucette, Manon, Amandine, Lou et toutes les autres artistes qui l’ont guidée dans sa quête d’identité – pour devenir aujourd’hui une femme solaire et passionnée.

@justinepruvot___
@touillet__collections

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La recette de Justine Pruvot

Sortir de l’hiver en douceur : pommes de terre au sel, nuage de chou fleur et blette Dressée dans L’assiette creuse d’été tournée à la main par Amandine Gachet.

Ingrédients (4 personnes) 
8 pommes de terre
1 chou-fleur
50 cl de lait d’avoine
500 g de blettes
1 mandarine (ou un agrume que vous avez sous la main)
Sel et gros sel
Huile d’olive

Préparation
Préchauffez le four à 180°C (th. 6). Lavez les pommes de terre. Enfournez- les sur un lit de gros sel pendant 50 min environ. Ajuster le temps de cuisson selon la taille des pommes de terre. En fin de cuisson, la pointe d’un couteau doit s’enfoncer facilement et la peau doit être croustillante. Débarrassez les pommes de terre de l’excédent de sel et coupez-les en deux dans le sens de la longueur. Réalisez la crème de chou-fleur. Supprimez les feuilles du chou, lavez et séparez les sommités. Dans une casserole, faites-les cuire avec le lait d’avoine et une c. à s. de gros sel (complétez avec un peu d’eau si besoin). Laissez cuire à feu doux 40 min environ puis mixez le tout pour obtenir une crème lisse. Rectifiez l’assaisonnement si besoin. Lavez et supprimez les côtes du vert des blettes.Dans une poêle avec un peu d’huile d’olive, cuisez les blettes pour qu’elles se ramollissent. Salez.

Dressage
Répartissez les pommes de terre dans le fond de 4 assiettes creuses. Déposez par- dessus les feuilles de blette et la crème de chou-fleur. Ajoutez un filet d’huile d’olive et des zestes de mandarine pour la décoration.

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Article à retrouver dans le HOME Food n°1 (printemps 2024), disponible en kiosque
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